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Déchirure des secrets

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Chapitres Titres
01 Ma famille et moi
02 La peur du plan B
03 Sur le sol mexicain;
04 Rencontre du 3ème type
05 Enquête au dessous de tous soupçons
06 Le requiem des secrets
07; Épilogue des secrets

Chapitre 01: Ma famille et moi

1.JPGVendredi 17 mars 2017:

Laissez-moi me présenter.

A mon avis, c'est la moindre des politesses.

Je m'appelle Stephen Thompson, Steph pour les intimes.

Presque 21 ans.

Pas vilain mec, enfin, je suppose vu l'impact que j'ai sur le regard des filles avec le prestige de l'uniforme.

Baraqué à souhait à cause de la culture physique et les exorcismes de l'armée.

Oui, vous n'avez pas mal lu, c'est bien d'"exorcisme" dont il s'agit avec les exercices qu'on me fait subir.

Professeur d'éducation physique, voilà un de mes plans secrets.

Je suis sympa d'après ce que me disent mes copains et mes copines.

Les filles, leur séduction et leur volonté de trouver le "grand amour", j'avoue, m'épuisent.

Aucune envie de brûler les étapes avec mes assiduités.

Les filles s'intéressent plus à moi que moi à elles.

Une passe vite faite, bien faite, à baiser pour respecter les décisions de mon appareil génital passe encore, mais pas pour aller plus loin. 

Pour moi, rien que l'idée de greffer ça dans le marbre d'un parchemin me laisse pantois.

Cela ne m'excite pas à se frotter l'un l'autre, dans le même lit, avec en plus, un contrat à durée indéterminée.

Non, dans ce domaine, je suis pour les Contrats à Durées Déterminées.

J'ai regretté d'avoir parlé à ma mère Carla de ma dernière en date, Alison.

Elle en a fait tout un plat.

J'ai tout de suite senti chez elle un emballement à se faire des illusions dans une cascade séquentielle à vouloir mon mariage, suivi par l'arrivée de petits-enfants dont elle aimerait s'occuper.

Je voudrais voir le monde avant cela.

Je me demande si ce n'est pas cela qui a manqué à ma mère pendant sa vie et qu'elle voudrait stéréotyper sur moi.

C'est pas encore mon truc en plume. Point.

D'ailleurs, je ne vois Alison que les weekends après ses heures de travail dans un commerce pour touristes.

C'est paradoxal de vous raconter qu'enfant et pendant une partie de mon adolescent, j'en ai voulu à mon père, John, qui a toujours été absent de la "casa familiale".

Oui, j'enrageais parce que je regrettais de n'avoir pas souvent eu le temps de lui parler en tête à tête, entre hommes, dans une famille réunie.

Mon père n'avait jamais tenté de percer ni mes envies, ni mes rêves et encore moins ma personnalité.

J'essayais de l'admirer en silence sans y parvenir.

Quand il décidait de changer de cap dans la vie, il en analysait probablement les conséquences mais il n'en informait personne et il assumait ses erreurs sans échos. Il devait avoir une vie secrète et parfois, son absence m'arrangeait.

Mon père avaient parfois des règles de conduites familiales désuètes comme des tares à rechercher dans sa propre éducation.

Mais ces tares s'effaçaient dès qu'il repartait.

Est-ce que mes gènes reproduiraient le scénario de mon père ?

Dans le fond, il adorait ma mère.

Il ne l'avait probablement jamais trompée avec une autre femme pendant ses escapades.

Il aurait pu pourtant, mais je suis presque certain qu'à la dernière minute, qu'au moment de déraper, il reprenait le contrôle et refusait d'aller dans une voie qu'il considérait comme sans issue et qui pourrait lui apporter un stress tellement honni par lui.

Il restait cartésien, renfermé jusqu'au bout des ongles dans son environnement de solitude.

Chaque fois qu'il rentrait d'une mission dont nous ignorions tout, ma mère avait son sang mexicain qui se propulsait dans ses veines.

Comme au retour du Jedi, tout le monde y participait dans une euphorie passagère pour qu'il se sente le bienvenu chez lui.

Le "Welcome" affiché à l'entrée, pour lui organiser une sorte de fête avec calicots et trompettes lors de son retour et pour marquer le coup du prodige.

Ma mère me faisait oublier l'absence de mon père en prenant un rôle d'éducatrice hors pair de manière mixte, jouant alternativement au père et à la mère.

Aimant les confidences, elle prenait le pas sur mes intentions intimes d'adolescent.

Pas à dire, dans notre maison en Floride où j'avais vécu mon enfance, nous vivions coincés par des règles obsolètes pour un jeune comme moi.

A mon avis, cela ne devait pas être trop difficile de rester amants quand on rencontre sa femme avec la mesure du temps et de l'espace pré-calculée, avec un agenda bouclé comme du papier à musique dont les fausses notes s'effacent d'elles-mêmes.

Ils étaient peut-être heureux de se permettre deux vies en parallèle avec un tempo à contre-temps.

On ne sait pas toujours expliquer pourquoi on fait ou on défait les choses pour construire son propre destin. Mais on réagit naturellement pour combler les manques.

Dans ma jeunesse "dorée", on habitait dans une belle villa à Naples.

La Naples américaine, bien sûr. Pas l'italienne avec le Vésuve qui pourrait gronder.

Un beau cadre de vie dans lequel tout le monde est beau, tout le monde est gentil.

Un jour, ma mère apprit l'activité parallèle de mon père lors d'une visite d'un militaire, en même temps que sa mort.

Vous rendez-vous compte de la surprise que ma mère a pu subir en apprenant ses états aux services secrets à la NSA.

L'introversion naturelle de mon père avait pu garder ses activités en secrets dans une telle activité sulfureuse.

La mort de mon père en plus ?

En fait, une fausse mort mais ma mère n'était pas au courant et l'avait prise au premier degré.

Cela devait être problématique pour mon père de ne laisser aucun de traces sous le voile des secrets partagés seulement avec ceux des ayant-droits.

Puis, un jour, une mouche lui avait piqué. Fatigué, il avait décidé de réorganiser sa vie lors d'un retour au foyer dans la maison familiale.

Il avait décidé de prendre le large dans une retraite méritée à ses yeux, au Mexique et revenir ainsi au passé de sa première rencontre avec ma mère.

Lors de sa dernière mission en Égypte, tout avait basculé dans son esprit.

Lors d'un attentat, qui ne visait pas particulièrement lui-même, mais dont il en avait seulement été témoin rapproché, tout s'était précipité.

La véritable victime méconnaissable avait été déchiquetée et lui y avait échappé par miracle.

Je ne sais comment il a eu la présence d'esprit et les réflexes, d'effectuer la substitution de personnalité en échangeant son identité avec celle de ce malheureux pour disparaître.

Une usurpation d'identité, je n'aurais pas pu la faire moi-même. J'ai été très surpris quand j'ai su.

Il l'avait expliqué à cause de son sentiment d'être piégé, d'être repéré depuis quelques mois et d'un désaccord avec l'autorité de sa base américaine.

Rentrer dans le rang et rattraper les années perdues auprès de ma mère. Cette opération de rattrapage m'avait suffi pour lui accorder du crédit à mes yeux une fois que je l'ai appris.

Qui sait, était-ce un prétexte ? Je l'ignore encore.

Je n'avais jamais pris les explications de mon père pour argent comptant, mais que pouvais-je faire d'autre que de croire à sa version des événements ?

Avec ce qui lui restait de corps, la vraie victime avec la plaque de mon père et ses papiers récupérés, avait été transporté jusqu'à Naples.

Il y fut inhumé avec tous les honneurs de son rang comme une victime de guerre en temps de paix.

Anéantie par le chagrin, ma mère pensait avoir enterré son mari.

La vie parallèle l'avait intriguée. Ce qui a suivi ne le serait pas moins.

Elle avait alors décidé de retrouver le passé tumultueux de son époux en Égypte dans cette recherche de son passé intime.

Je l'avais accompagnée pour la soutenir dans son travail de deuil et pour mieux connaître ce qui s'était réellement passé.

Pourquoi au départ de l’Égypte parce qu'en réalité, on ne savait même pas vraiment où mon père avait été tué ?

Un simple indice avait suffi. Mon père avait eu des contacts avec une Égyptienne. 

C'est au Caire que nous l'avons retrouvé, changé mais toujours bien vivant.

Une fois, considéré mort pour les États-Unis, mon père ne pouvait pas revenir et y revivre.

Les States sont très catholiques et les résurrections ne sont pas admises en dehors du représentant de Dieu.

Le mur entre le Mexique et les États-Unis, désiré par le nouveau président, Donald Trump devait apporter une chance de plus, de disparaître plus facilement des radars américains.

Mon père avait conseillé ma mère de reprendre sa vie à Acapulco où elle était née et où elle l'avait rencontré quelques mois avant ma naissance.

D'après ce que j'ai appris, en secret, quelques mois après son enterrement factice, mon père l'y avait rejoint.

Il portait, parait-il, une perruque et une barbe comme un Mexicain basané pour ne pas se faire remarquer comme Yankee.

Se déguiser devait avoir été une de ses spécialités à la NSA.

Avant cela, il était presque scalpé avec une brosse au raz du crane et les poils du visage inexistants, taillés au rasoir, comme je le suis actuellement à l'armée.

L'habit a dû faire le moine pendant toute sa vie.

Ma mère ou moi prenions contact très souvent d'une manière secrète ou d'une autre pour partager les nouvelles de leur nouvelle vie.

Depuis, je n'avais plus revu ma famille recomposée dans ce nouveau cadre de vie.

D'origine mexicaine, ma mère devait y avoir retrouvé son passé de jeunesse, de la famille qu'elle y avait laissée peut-être aussi.

La vente de la maison de Floride avait permis de ne pas craindre l'avenir financièrement.

De plus, ma mère recevait une pension de veuve de l'armée tous les mois.

Moi, pendant cela, je servais des épisodes réchauffés sous les armes à l'instruction militaire.

Mon grand-père paternel m’avait suggéré de choisir cette carrière militaire.

- Tu auras toujours un emploi.

- Je désirerais suivre des études dans le secteur privé dans les nouvelles technologies, répondais-je alors.

- N'aie crainte, tu y participeras certainement. A l'armée, on les utilise et tu auras, en plus, la sécurité d'emploi.

Il avait été le précurseur dans cette voie de la rigueur, du drill, de l'autorité qu'on ne discute pas et qui appartient si bien à l'esprit républicain de notre famille.

Je n'aimais pas vraiment ce futur militaire auquel mon grand-père me destinait.

La discipline n'était pas mon fort.

La sécurité d'emploi, d'accord mais avec tout un programme de servitudes, cela ne me passionnait pas.

Avec le recul, il a dû être persuasif car j'ai suivi son conseil.

3.JPGIl fallait choisir où aller dans quelle unité.

Rien qu'en Floride, il y avait plusieurs écoles militaires. Par ici, toutes forment des militaires dans les disciplines de l'aéronavale.

Finalement, j'ai fixé mon dévolu sur la station de la "Naval Air Station de Pensacola", la NAS, dans le Corps des Marines des "Blue Angels".

Les "Blue Angels" assurent plus d'une cinquantaine de représentations sur une trentaine de sites à travers les États-Unis.

0.JPGDe Pensacola, il faut parler de Pensacola Beach si on en voit l'aspect touristique.

Une langue de sable blanc exposée au vent, rattachée par un pont à une presqu'île rattachée au continent par un pont que survolent avions militaires, mouettes et pélicans face au Golfe du Mexique.

Pas dégueulasse, tout cela, donc. Cela peut faire rêver.

En 2004, Pensacola fut dévastée par l'ouragan Ivan

Aujourd'hui, elle renait.

2.JPGSuivre la carrière militaire devait être imprégné dans nos gènes comme une vocation que l'on se refile de génération en génération.

Mais dans l'enseignement militaire de Pensacola, on change tout de même de registre.

J'ai comme l'impression que rien n'a jamais été définitif dans notre famille.

Ce qui est sûr, aujourd'hui, c'est que l'armée, je n'en ferai pas une religion.

Mon père et moi vivions donc dans un monde militaire avec des disciples communes, mais cela ne se mariait pas entre elles.

Lui l'exerçait dans le secret, moi, en pleine lumière sous le soleil de Floride qui tape dur et où la transpiration fait office de lubrifiant.

Contrairement à lui, grâce à mon caractère extraverti et ouvert, j'aime faire rire mon entourage de copains à l'armée.

0.JPGJe ne m'en suis jamais départi un instant. Une journée sans rire, était une journée ratée.

Tenir ma langue plus d'un jour, m'aurait été impossible.

Le gradé instructeur de service avait repéré mes pitreries et mes excès.

J'imaginais pouvoir un jour écrire un roman mieux structuré dans lequel je parlerais de notre histoire familiale en éliminant ses imperfections.

Ce samedi matin 18 mars 2017, j'écris mon rapport d'activité de la journée.

Dans quelques jours, il me faudra vraiment préparer mes examens sur « cette longue ligne grise » comme cadet.

Mon pseudonyme "Joking matter" me va bien.

En sortant diplômé, je serai nommé "Second Lieutenant" de l'armée américaine.

Je ne pense pas que je deviendrai jamais "First Lieutenant".

J'ai des projets bien plus étendus fixés au monde entier et ils ne sont pas "horribles".

Cette base militaire énorme est à une centaine de kilomètres de New York.

J'avais planifier d'aller passer le weekend, à Pensacola avec quelques copains comme je le fais lors de permissions.

A cause de l'histoire de la ville avec l'Espagne, la France, le Royaume-Uni, les États confédérés d'Amérique et les États-Unis qui exercèrent leur souveraineté sur la ville, Pensacola est surnommée "la ville au cinq drapeau". 

J'étais occupé à rêvasser quand mon portable sonne.

Ma mère est à l'autre bout du fil, toute excitée, elle mange ses mots en me lançant une foule de questions.

- Où en es-tu avec ton éducation militaire, Steph ? Tu dois avoir atteint les derniers mois de ton enseignement. Je me trompe ? », lance-t-elle.

- Non, tu ne te trompes pas, mais j'ai encore des examens à passer et à préparer. Je ne veux pas perdre mon investissement à l'armée. Après je devrai décider peut-être autre chose pour faire ma vie. Je suis dans l'expectative, entre rester à l'armée ou en sortir.

- Ne peux-tu pas passer chez nous ? J'en ai parlé avec qui tu sais et il serait très heureux que l'on se revoient dans quelques jours pour les fêtes de Pâques. Présente-nous à ta nouvelle dulcinée Alison. Viens avec elle.

"Qui tu sais"...

Ouf, elle n'a pas utilisé le mot "père", bien que cela a dû lui demander un effort important.

Je pourrais être mis sur écoute. Elle a retenu la leçon.

Dans ses questions, je sens le piège à plein né qui se resserre sur moi.

Je me vois déjà descendre là-bas avec toute la famille, père, mère, grand-père et grand-mère paternels à cette occasion.

Mes grands-parents du côté maternel, étaient morts dans un accident de voiture alors que j'étais encore très jeune .

Retrouver mon père et mon grand-père, c'est aussi parler de leurs élucubrations, secrètes pour l'un et nostalgiques du retraité pour l'autre.

Et puis leur présenter Alison... elle n'y pense tout de même pas...

Non, cela ne me dit rien qui vaille ce retour rapide au bercail familial.

Je réponds presque instinctivement d'une voix ferme.

- Non maman, je ne pourrai pas venir te rendre visite au Mexique à Pâques, mais je viendrai dès que je le pourrai. J'aurai une permission bientôt.... Alison n'est pas à l'armée.

A l'autre bout, le mécontentement de ma mère est tout à fait perceptible.

Elle insiste en utilisant ma corde sensible.

- Tout le monde a besoin de te voir", réplique ma mère de guerre lasse.

"Un besoin de me voir"?

J'ai envie de lui répondre "tu te fous de moi?"

De cette rencontre, elle en a dû en parler avec mon père, mais elle a assumé la réponse positive de mon père comme si cela n'avait été qu'une formalité.

Pour mon père, il devait subsister une crainte d'être repéré. Je suis sûr qu'il ne désirerait pas trop de retours en arrière dans des effusions de joie avec les flonflons du bal d'une grande retrouvaille et ainsi éventer sa présence. C'est trop tôt.

Il leur avait fallu certainement quelques mois pour se retrouver et réorganiser leur vie pour que je pense la troubler par ma présence.

Les arguments de ma mère continuent à pleuvoir mais je résiste sans plus répondre..

Ma mère a dû attendre pendant des années de le retrouver dans le foyer de la famille. Ils peuvent bien attendre un peu plus longtemps.

Il n'avait pas prêté beaucoup d'attention dans le passé ni à ma mère, ni à ma petite personne.

Pas à dire, quand j'y pense, il reste un blocage entre lui et moi.

Cette descente au Mexique est loin d'être une partie de retrouvailles dont je rêve de reprendre le cours rompu.

Mon refus est un peu ma manière de tenir ma revanche sur lui.

Le travail de mon père à la NSA ne m'avait jamais fait plaisir dès que j'ai appris qu'il l'avait écarté de nous.

Putain, s'il voulait une famille, il aurait dû chercher une place dans un bureau de la NSA à proximité de la maison et non pas chercher à partir toujours plus loin à la conquête du monde et de ses secrets.

Non, vraiment, je n'avais pas l'intention de précipiter ma visite au Mexique surtout pas de manière forcée.

Elle devrait comprendre que prendre un congé dans l'armée demande une série de démarches, de demandes écrites vers l'autorité militaire.

La conversation entre elle et moi, prend tout à coup un ton presque discourtois.

J'ai presque envie de raccrocher. Mais je tiens bon.

Je termine la conversation en disant:

- Je viendrai quand je pourrai et quand les examens seront passés. Je te promets, nous passerons de belles vacances ensembles au Mexique. Je te donnerai des dates pour ma venue. Tu lui expliqueras. Je te quitte parce que j'ai un cours dans moins d'un quart d'heure et j'ai des questions à poser et des examens à préparer. Je te téléphonerai demain, sans faute pour te donner mon planning. N’insiste pas Maman.

C'est elle qui raccroche.

Ah, si au moins, elle n'avait pas insisté en n'incluant pas toutes la smala de la famille dans la manœuvre de séduction !

Avec Skype, elle m'avait montré la maison qu'elle occupe désormais au Mexique.

Cette maison n'avait rien d'aussi luxueux que celle dans laquelle elle vivait en Floride et où j'avais fait mes premiers pas avant d'aller en Floride.

Seule en avant-plan sur certaines photos, elle présentait les trois places réduites sans véritable confort de la maison.

Une maison en style mexicain choisie, probablement dans l'urgence.

Malgré le peu de temps écoulé, on y reconnaissait déjà quelques marques spécifiques à ma mère.

Une ambiance fleurie d'hibiscus partout où il était possible d'en ajouter.

Évidement, plus de jardin d'orchidées comme elle entretenait en Floride.

Aucune bannière avec les 50 étoiles que mon père aurait pu ajouter comme marque américaine. Il ne faut pas tenter le diable.

Je l'imagine, lui, sous un nom d'emprunt et avec un poncho remplaçant le djellaba qu'il portait au Caire, des cheveux longs en bataille, une barbe hirsute et une moustache épaisse comme camouflage « made in Mexico ». 

Mais, même sous un sombrero, je pense pouvoir le reconnaître.

Avec le sourire aux lèvres, je pense encore à lui à ma famille en me rendant dans la salle de cours après avoir traversé la cours intérieur.

Combien de discussions entre mon père et mon grand-père n'ont-elles pas dû exister quand ma mère est entrée dans la famille.

Le film "West Side Story" a dû être une ritournelle que l'on sifflotait inconsciemment de parts et d'autres dans notre famille mexico-américaine ou americano-mexicaine.

En traversant la plaine qui me séparait de la salle de cours, il fait presque trop chaud.

En sifflotant la chanson, je me rends au cours de trigonométrie dans l'auditoire.

Je sens que cela va me passionner les oreillettes endormies et qu'un lieutenant court-circuitera mes pensées familiales résiduelles à me raconter tous les plaisirs des mathématiques.

Il n'aura pas cette chance.

Ma volonté de devenir professeur d'éducation physique est en plein air...

En entrant dans le hall, je le sais, je suis en retard à cause de coup de fil de ma mère et j'aurai droit à une remarque "désobligeante".

D'un regard amusé, dos au tableau, le lieutenant de service lance avec un sourire carnassier:

- Puisque Steph est arrivé, je commence mon cours.

Cela fait rire les copains. 

Je gagne subrepticement une place avec l'idée que j'ai gagné ma journée à les faire rire. 

Pour moi, la préoccupation majeure du moment est de "rester éveillé".

 

..

Chapitre 02: La peur du plan B

Samedi 20 mars 2017.

J'ai reçu une permission à la fin du mois de mars.

Voilà un plan B qui se présente.

D'abord, avertir ma mère de cette nouvelle qui devrait la réjouir, elle qui voudrait me revoir chez elle.

Je lui téléphone pour l'en informer comme prévu.

Aucune réponse.

Je laisse un message pour qu'elle me rappelle.

Quelques heures après, je réessaye.

Toujours rien.

Un nouveau message de ma part qui se fait plus pressant.

J'essaye une nouvelle connexion Skype comme je l'ai fait quelque fois avec elle.

Pas plus de succès.

Depuis notre voyage ensemble en Égypte, ma mère n'a jamais passé une semaine sans me contacter.

Les connexions avec elle semblent complètement mortes.

Je me renseigne auprès d'un condisciple qui a aussi de la famille au Mexique pour voir s'il y a un problème de transmission, une coupure entre le Mexique et les États-Unis ?

Non, tout va bien. La connexion avec le Mexique est tout à fait en ordre de marche.

Là, cela devient bizarre et je commence à m'inquiéter.

Écrire une lettre ? Cela prendrait trop de temps. Et puis, personne ne fait plus cela.

Qu'est-ce qui pourrait m'empêcher de la contacter et elle de me contacter pour me répondre ?

Aucun espoir à espérer du côté de mon père pour qu'il réponde au téléphone.

Il ne répondrait pas même si cela sonnait toute la journée. C'est devenu un mort-vivant.

- Il aurait pu chercher à m'avertir si quelque chose s'était passé, me dis-je tout de même en lui attribuant une faute imaginaire.

Je vais à la pêche aux informations sur Internet.

Je survole la presse d'article en article à la date de notre dernier contact.

Tout ce qui a été publié sur les journaux locaux de la région et plus précisément à Acapulco où ma mère a élu domicile qu'elle partage en principe avec mon père.

Rien d'exceptionnel dans la presse. Beaucoup de publicité.

Un gouverneur a fait un discours.

Une fête s'est terminée tard dans la nuit. La fréquentation des touristes en cette avant saison touristique probablement.

Je ne sais pourquoi mais j'ai un pressentiment qu'un incident ou même un accident a pu se produire.

Un accident de voiture a déjà eu lieu avec les parents de ma mère dans un passé lointain qui avait créé un traumatisme dans la famille.

C'est alors qu'un article en bas de page, attire mon regard: "Une Américano-mexicaine et un Américain ont été retrouvés assassinés par balles près de la plage à Acapulco dans une zone déserte de dunes".

Aucun nom n'est mentionné. Pas de photos qui identifieraient les cadavres.

La raison invoquée, probablement un règlement de compte entre deux bandes rivales.

L'article se termine par une phrase qui dit que l'enquête vient de commencer et que dès que le journal en saura plus, il écrira un autre article.

Sur base de cette information, je commence à faire des recherches vers d'autres sources.

L'info est probablement trop récente. Je reste sur ma faim.

Là, mon inquiétude devient vraiment fébrile.

Il est vrai qu'au Mexique, les assassinats de journalistes sont fréquents mais en général ce n'est pas dans une zone qui n'est peut-être plus tout à fait touristique comme Acapulco que ce genre d'événement se produit.

Le pressentiment devient presque une certitude. Il a dû se passer quelque chose de terrible qui explique l'absence de réponses de ma mère.

Elle n'a jamais été mêlée à une affaire de drogue qui a pour résultats des assassinats entre bandes rivales entre cartels de la drogue.

Ma mère se trouvait-elle à un mauvais endroit et a-t-elle reçu une balle perdue ?

En plus, on parle d'une femme et d'un homme.

Mon père est-il la seconde victime ?

Les corps découverts étaient proches l'un de l'autre ce qui pourrait donner l'idée d'un couple.

Comment me rassurer ?

Dans l'excitation, la sueur commence vraiment à perler sur mon front.

Un nom me revient en mémoire.

Celui d'une voisine avec lequel ma mère avait créé de très bonnes relations, d'après ce qu'elle m'avait dit.

Comment était-ce encore ?

Ah, oui, j'avais trouvé son nom amusant... J'avais fait sourire ma mère, aussi.

C'est ça, j'y suis.

Estamos... « Nous sommes » en espagnol. Un véritable nom qui englobe toute une famille.

Son nom me revient en même temps que le prénom « Emmanuelle ».

Il doit bien y avoir un annuaire téléphonique de pages blanches avec les noms, les adresses et les numéros de téléphones dans l'école militaire.

Quelques minutes de recherches et je tombe sur le nom, l'adresse, la rue qui correspond à celle de la maison de ma mère.

Je prends le téléphone et fébrile d'excitation formule le numéro.

Trois coups de sonnettes suffisent.

Une douce voix féminine dit:

- Digame con Emmanuelle Estamos.

L'espagnol est une langue que j'ai apprise en même temps que l'anglais par l'intermédiaire de ma mère.

Je réunis tous mes souvenirs de la langue, pris au dépourvu dans un espagnol garé au fond de ma mémoire.

- Désolé de vous déranger. J'ai lu dans la presse locale qu'il y avait eu un assassinat d'une Americano-mexicaine et d'un Américain. Je redoute que ma mère soit impliquée. Il était question d'une rixe entre bandes rivales au sujet de la drogue. Je suis le fils de Madame Thompson qui m'a dit que vous aviez d'excellents contacts avec elle.

- Je suis contente de vous entendre malgré cet événement dramatique. Je ne savais pas qui prévenir ni comment. Oui, je connais très bien votre gentille maman. Dès son installation, nous avions toutes deux sympathisé malgré notre différence d'âge. Nous avons deux maisons voisines.

Je n'ai plus vu personne ni elle, ni l'homme qui venait parfois chez elle.

Pour le moment, j'ai fait une chute et je suis assise dans une chaise roulante. Je me déplace avec des béquilles. Pour passer le temps, je lis, j'écris de ma fenêtre.

Votre maman était veuve d'un Américain et elle est revenue dans la ville de sa naissance, m'a-t-elle dit.

Elle vivait le plus souvent seule. Elle partageait un peu de temps avec un monsieur qui était plus distant, plus secret.

Si ce sont eux, j'ai eu de la peine à croire qu'elle aurait pu faire partie d'une bande comme il était écrit dans les journaux. Trafiquante de drogue, je n'y crois pas. C'est impossible. Je ne peux l'imaginer.

Le monsieur dont elle parle, cela doit être bien sûr mon père, me dis-je.

Ces conclusions m’effrayent. Elles me paraissent plausibles et confirment mon stress.

Pas besoin de faire une description supplémentaire.

Mon anxiété se transforme en abattement.

La description qu'elle fait de mon père avec son côté secret correspond en plus.

- Pas d'autres photos dans la presse des deux personnes abattues en même temps ? demande-je.

Je ne peux pas lui dire que la deuxième personne pourrait être mon père.

Un mensonge est parfois meilleur que de dire toutes les vérités.

Elle me répond avec une ultime tristesse dans la voix.

- Non. Mon pauvre Monsieur, vous risquez d'être orphelin. Je vous plains autant que je peux. J'aimais bien mes contacts avec votre mère surtout depuis que je suis assise depuis ma chute dans ce siège de fortune. Acceptez toutes mes condoléances.

Mon père, mort réellement, cette fois ?

On peut vivre deux fois, mais pas mourir deux fois. Il ne faut pas penser à une résurrection par deux fois.

- Je vous remercie. Je planifiais de passer des vacances au Mexique. Ce sera donc en plus une enquête. Je passerai à la maison. Je vous verrai peut-être.

- N'hésitez pas à venir me voir. Si je peux vous aider, ce sera avec grand plaisir. Laissez-moi votre numéro de portable. Je vous préviens si j'ai d'autres révélations dans la presse.

- Mon numéro est +1.718563778. Merci.

- N'hésitez pas à venir me voir.

- OK. Je prends un avion et je viens vous rejoindre. Je ne suis jamais allé à Acapulco. Je m'informerai dans l'avion. J'aimerais savoir ce qui s'est réellement passé.

- Je comprends.

- Je prendrai un taxi pour venir dans la maison de ma mère. Je n'ai jamais été au Mexique autrement que pendant un an dans ma prime jeunesse. Aucun souvenirs mais ma mère m'en a beaucoup parlé avec amour par après.

Je coupe la communication.

Aucune information supplémentaire n'est remontée jusqu'à moi.

L'ambassade des États-Unis à Acapulco n'a pas encore remonté le fil de l'attentat.

Chez nous, ce crime serait poursuivi par le FBI.

Il faut que j'aille sur place à Acapulco.

Je pourrais avoir des jours de plus pour l'enterrement de ma mère si cela se confirme.

Je dois aller demander une prolongation de ma permission chez le colonel.

Je demande une audience d'urgence à son secrétariat. Il est là et la secrétaire me dit d'attendre un quart d'heure.

Ce que je fais avant que la secrétaire m'invite à entrer dans le bureau du colonel.

C'est un gars d'une cinquantaine d'années, sympathique à première vue, compréhensif, mais il ne faut pas trop le pousser, m'a-t-on dit,

Du moment qu'il est juste, cela me va.

Je n'ai pas beaucoup d'atomes crochus avec les grosses gamelles, mais quand il le faut pour la bonne cause, je n'hésite pas.

Mon salut de circonstance.

Le colonel a déjà mon dossier devant les yeux.

- Que me vaut l'honneur de votre visite aspirant ? J'ai lu vos états de services. Pas trop mauvais. Mais quelques points négatifs du côté des sorties arrosées avec les copains. J'espère que ce n'est pas des suites d'une beuverie que vous venez me voir.

Sa mise en matière me fait sourire en coin. Je sens que cela ne va pas bien se passer sans des arguments de poids.

Il ne me présente pas la chaise devant lui pour m'y installer et je reste au garde à vous.

- Bonjour, mon colonel. Non, pas du tout. J'ai une demande de permission forcée à vous demander. Quelques jours, tout au plus.

- Ah , bon et pourquoi ? Votre enseignement n'est pas terminé. Dans un mois, vous avez votre examen de fin d'étude. Vous n'avez pas l'intention de le rater ?

- Bien sûr que non. C'est un cas de force majeure. Je viens d'apprendre que ma mère a peut-être été assassinée. Abattue au Mexique dans des circonstances qui ne sont pas très claires.

- Acceptez mes condoléances. Cela doit vous torturer l'esprit, je suppose. Vous n'avez pas plus de précisions ? Le Mexique n'est pas très sûr ces dernières années d'après ce que j'ai entendu. Notre nouveau président voudrait bien construire un mur entre le Mexique et nous.

- En fait, je ne connais rien du Mexique. Je n'y ai jamais été moi même. Ma mère est originaire du Mexique et elle s'est établie là-bas après la mort de mon père. J'attendais une réponse à un de mes coups de fil de ma mère. Mes appels répétés n'ont jamais reçu de réponses et cela m'a inquiété avant que j'ai reçu des indices d'une voisine qui m'ont confirmé dans mes craintes.

- Et vous avez envie d'en chercher la raison.

- Oui. Je me suis informé auprès d'une voisine de ma mère qui a confirmé que mes craintes étaient fondées. Elle a été probablement victime d'un attentat.

Le mot « attentat » a dû résonner plus fort dans l'esprit de mon interlocuteur comme un sésame à toutes les objections et exceptions, pour acceptation à ma demande.

- Combien de temps estimez-vous avoir besoin ?, finit-il par me dire.

- Quelques jours. Une semaine ? Peut-être deux, j'espère dénouer l'affaire. Si ma mère est morte, il y aura l'enterrement, connaître le nom de celui qui l'accompagnait dans la mort pour comprendre ce qui s'est passé, peut-être sa succession devant notaire...

Le colonel sourit.

- Je n'ai rien entendu. Je vous donne quatre jours. Allez, un cinquième pour le voyage.

Le haut gradé hésite quelques secondes avant de répondre.

- J'accepte. Je préviendrai votre adjudant-chef.

- Je vous remercie, mon colonel. Je vais de ce pas réserver une place dans le premier avion en partance. Je préviendrai si je ne suis pas dans les temps si mes actions se prolongeraient.

- Rompez et revenez-nous le plus rapidement possible et acceptez encore mes condoléances si cela s'avère exact.

Je sortis après un garde-à-vous exemplaire, content du résultat de ma visite, je tourne sur moi-même sans même le remercier tellement je suis pressé.

0.JPG2000 kilomètres, 3 heures d'avion en traversant le Golfe du Mexique.

Le soir-même, un avion pourra m'emporter vers Acapulco. J'y arriverai dans la nuit du lendemain.

Je réserve le vol journalier de la soirée

Un quart d'heure après avoir quitté la base militaire, j'arrive au "Pensacola International Airport", au PNS.

Dans l'avion, je prends des notes de mes réflexions et des actions à prendre pour déterminer les étapes d'une tactique. Un premier projet est déjà dans ma poche.

J'ai pris avec moi, une documentation touristique sur Acapulco que je lis avec un intérêt non dissimulé.

« Acapulco, plages de rêves, perle du Pacifique ».

Un sourire s'échappe de mes lèvres en lisant cela.

- C'est la première fois que vous allez au Mexique? , demande mon voisin de siège qui a une tête de Mexicain au teint hâlé.

Surpris de sa question, je réponds sans donner de précisions.

- Oui.

- Vous verrez, c'est un pays formidable.

- Je n'en doute pas. Ma mère est d'origine mexicaine.

- Ah bon. Donc elle vous a mis au courant.

Je n'ai pas envie de nouer une conversation et de lui dire le but de ma visite qui n'a rien à voir avec du tourisme.

En espérant que la conversation s'arrête là.

Je continue à consulter la documentation.

- En effet, dis-je assez sèchement.

Dans un journal que j'ai acheté à l'aéroport, les informations n'ont plus rien à voir avec du tourisme.

Des titres de journaux que j'ai acheté à l'aéroport en disent bien plus: 

"Cœur de la guerre des cartels de la drogue".

"Pouvoirs publiques pour protéger ses habitants"...

"Le président Enrique Pena Nieto se fait assister par le corps de gendarmes pour maintenir l'ordre"...

"Luis Walton, le maire d'Acapulco et le milliardaire Carlos Slim" s'y mettent aussi.

Oui, là, cela pourrait être loin d'une vue paradisiaque du Mexique.

"Une vieille ville, mal entretenue".

"Collines du nord, dans le quartier populaire, une dispute dégénère en bataille rangée".

Je replonge dans la lecture du guide touristique pour calmer mon excitation, contourner mes craintes et pour m'orienter dans cette ville d'Acapulco à l'aide du plan annexé.

A l'Ouest, les hôtels sont bons marchés.

Au centre, Dorado, les bureaux en hauteurs, la vitrine de la ville que l'on retrouve sur les cartes postales.

Le quartier « Diamante », le luxe avec une vue sur baie de 12 kilomètres.

Un autre « La Quebrada », bruyant pour organiser le trafic à coup de klaxons entre les différents quartiers.

Les plongeons des jeunes mexicains bien connus renommés à Acapulco, arrivent plus tard dans le guide.

Pour un premier topo du milieu, cela me suffit.

Je regrette que ma mère ne m'aie jamais donner beaucoup d’informations sur son pays où elle a passé son enfance et son adolescence avant le mariage.

Ses impressions m’auraient été utiles.

J'établis un scénario séquentiel de ma visite pour ne pas perdre de temps.

Ma première visite sera pour constater l'état de la nouvelle maison de ma mère.

Voir cette dame Emmanuelle Estamos à la voix douce.

J'imagine son âge. Une vingtaine d'années tout au plus.

Aller à la police ensuite...

L'ambassadeur des États-Unis qui pourrait en connaître un peu plus sur l'ambiance mexicaine et ce qui pourrait s'être passé avec l'identité des victimes et des assassins.

Vu le temps court écoulé, les victimes doivent encore être visibles tous deux dans une morgue.

A force de réfléchir, cela doit être ma mère, j'en suis maintenant presque sûr.

Organiser les obsèques et voir un notaire pour organiser la succession.

Je n'ai ni sœur ni frère, celle-ci devrait aller assez rapidement même si des différences de législations peuvent exister entre nos deux pays.

Rapatrier les corps...

Ma tête est en train d'exploser.

Je n'ai même pas le temps d'établir un plan d'attaque à la recherche des responsables.

Si c'est possible sans me mettre moi-même dans la liste des victimes, cela m'arrangerait.

Je n'ai pas l'étoffe d'un héros.

Je ne suis pas mon père.

J'aime la vie hors de l'eau et pas plongé dans les secrets et les non-dits

Les perpétuelles questions historiques me reviennent en mémoire : "Comment a-t-il pu se lancer dans cette profession de l'ombre et qu'est-ce qui l'a décidé d'en sortir enfin sans laisser la moindre trace de lui en jouant le mort après une mission qu'il a peut-être ratée ?".

L'entrée et la sortie sont toutes aussi incompatibles entre elles qu'avec la réalité d'une vie de famille privée et publique.

Pour entrer dans l’anonymat et disparaitre, bien sûr qu'il devait en avoir appris quelques procédés à la NSA qui le lui avait enseignés.

Ma mère avait été leurrée et en avait fait les frais de cette vie d'exceptions de mon père.

Il faudra un jour, s'il est encore vivant, que je lui pose ces questions et que je lui en fasse les reproches.

En attendant, il faut que je me calme...

Trois heures de vol, c'est long quand on est pressé par le temps d'apprendre ce qui s'est passé.

Pour retrouver ce calme nécessaire à la réflexions, il faut que je pense à quelques bons moments du passé.

Il en existe comme ma complicité partagée avec ma mère. Elle m'apportait bien plus d'informations agréables et calmantes que par l'intermédiaire de mon père.

Elle m'avait toujours traité comme le plus beau bébé de la terre et comme un adolescent qui possédait toutes les qualités nécessaires pour réussir dans la vie.

Quand j'ai décidé de m'inscrire dans les cours militaires, elle avait pleuré lors de mon départ pour Pensacola.

- Être militaire, ce n'est pas une profession de tous repos et néfaste à une vie de couple, me disait-elle d'un air contrit.

Elle prenait probablement cette réflexion en la mettant en relation avec sa propre vie avec mon père.

Pas question de faire le trajet toutes les semaines pour rejoindre la maison à Naples, cette perle de la Floride, prisée par les retraités comme le déclare toutes les publicités touristiques.

J'avais dû la rassurer quand elle avait appris la fausse mort de mon père, malgré le fait que je ne pouvais y arriver avec des arguments suffisants.

Quand ma mère avait pris la décision de retrouver son passé au Caire, c'était elle qui avait pris les rennes du voyage.

Mais quand elle et moi se sont retrouvés face à lui au Caire, sa faiblesse reprenait le dessus en sa compagnie.

Elle faisait partie du repos du guerrier.

La carapace de mon père avait toujours tranché avec sa faiblesse.

La stratégie du secret de mon père m'était apparue comme un empêchement à la réalisation de la vie de femme de ma mère.

Pour moi, passer par l'éducation militaire était un tremplin, une occasion de mettre ces théories militaires en pratique dans le civil.

Perdu dans mes pensées,  je jette un coup d'œil par le hublot, on quitte le Golfe du Mexique pour survoler la terre mexicaine et quelques lumières apparaissent.

Il fallut moins de 3 heures de vol. Lorsque l'avion commença à survoler l'océan Pacifique et vira complètement pour rejoindre la terre, tout en ayant déjà perdu de l'altitude.

Acapulco apparait tout illuminée de lumières dans une nuit noire.

Je regarde par le hublot, le "General Juan N. Álvarez International Airport", l'aéroport "ACA" est à nos pied.

L'avion atterrit en douceur sur le tarmac en béton qui transpire d'une chaleur suffocante qui se ressent dès l'ouverture de la carlingue.

La moiteur de la nuit fait suer plus par l'humidité que par la chaleur.

Quelle différence avec le départ à l'aéroport de Pensacola...

J'ai envie de dire en silence « Acapulco, je suis là. Rends-moi mes parents ».

Un unique bagage à la main pour passer la douane.

Je suis ralenti dans cette marche en avant au moment où un douanier remarque sur mon passeport que je suis militaire américain.

Les Américains ne sont plus les bienvenus depuis que Trump veut faire payer le Mexique pour élever un mur entre nos deux pays.

J'ai un peu peur qu'il va me faire subir des tests d'aptitudes pour accepter ma présence sur le sol mexicain.

Quelques minutes d'hélistations de sa part, quelques minutes de sueur pour moi.

- Que venez-vous faire au Mexique ?

- Ma mère est mexicaine. Elle habite en ville. Je viens la voir et je vais passer quelques jour avec elle et faire du tourisme.

Ma réponse semble lui satisfaire après avoir tourné les pages une à une de mon passeport. Pas de cachets d'autres destinations.

- Ok, me dit le douanier enfin en me rendant mon passeport avec un geste de la main pour m'indiquer le chemin de la sortie.

Je lui fais le plus beau sourire que je n'avais plus fait depuis longtemps pour le rassurer sur ma présence et calmer mon anxiété sur les inconnues que j'ai toujours ressenties en sortant de notre pays.

Je sors de l'aéroport.

Délivré à moi-même, je me demande dans quelle aventure vais-je me retrouver.

- Acapulco, à nous deux, pense-je.

..

Chapitre 03: Sur le sol mexicain

0.JPGDimanche 21 mars 2017:

Immédiatement, un taximan m'aborde en voulant récupérer ma valisette. Je lui donne l'adresse de la maison de ma mère.

Il connaît et me fait un signe de la tête pour accord, en ouvrant la portière arrière du véhicule sans dire un mot habitué aux gringos qui ne parlent qu'en anglais et n'osant probablement pas éprouver mon espagnol.

Dès que je lui parle en espagnol, je sens immédiatement que je pourrai lui poser d'autres questions et obtenir quelques filons pour trouver un hôtel comme pied à terre. Pas besoin de luxe comme pour les touristes habituels. Je suis ici pour trois ou quatre jours.

Je louerai une voiture pour me déplacer plus facilement plus tard si je dois sortir de la ville, me dis-je.

0.JPGIl entame tout de suite l'énumération d'une liste de petits hôtels avec leurs avantages et leurs inconvénients. J'en choisi un mentalement pour plus tard.

On traverse la ville, le chauffeur joue au guide et il n'est pas avare d'explications.

Les kilomètres au compteur s'égrainent mais je ne le regarde pas.

La circulation est intense mais à petites vitesses.

Je suis étonné de voir autant d'agents de police armés jusqu'aux dents de fusils d'assaut qui déambulent sur les trottoirs.

Tout intéressé à ce que j'aperçois derrière les vitres de la fenêtre, le temps et l'argent qui font cortège dans mon pays, ici, cela ne comptent même plus.

J'ai l'air de vivre au ralenti à partir du sud vers les collines dans le nord jusqu'au quartier populaire de la ville.

La vieille ville à l'ouest me laisse froid avec mes oreilles bouchées par les bruits de klaxon. 

Des quartiers de gratte-ciel alternent avec d'autres moins tonitruants comme on en voit tant dans les grandes villes des États-Unis.

Acapulco comme une réplique à l'identique plutôt tape-à-l’œil, n'a probablement de charme que si on arrive en ville à partir de la mer et de son golfe après y avoir rêvé.

Dans l'avion, je n'ai pas trouvé beaucoup de vidéos en dehors de celles qui sont sensées attirer les touristes.

Mais, cette fois, je suis à l'intérieur d'un vieux film des années 60 "Fun in Acapulco" dans lequel, Elvis Presley, en idole, chantait et plongeait à Quebrada.

Des touristes en marées humaines, j'en connais tellement en Floride que cela me donne la nausée.

Mais cela ne me fait plus rêver. En Floride, les gratte-ciels sont parqués ensemble, loin de notre villa où j'ai construit mon enfance et mon adolescence.

Cette "Perle du Pacifique", comme la ville d'Acapulco est appelée, ne me donne aucun indice de ce que ma mère aurait pu subir. 

Sans que je puisse dire le temps qu'il a fallu pour atteindre l'adresse de la nouvelle maison mexicaine de ma mère, le chauffeur m'avertit qu'on y arrive en tournant la première à droite, en pointant le doigt dans la direction.

Je lui envoie un sourire et dévie toute mon attention vers cette maison que j'aurais dû voir et connaître depuis bien longtemps.

0.JPGLa maison m’apparaît comme telle que je l'avais imaginé et que ma mère me l'avait décrite.

Je l'avais déjà localisée avec l'écran de ma tablette en faisant un tour d'horizon virtuel avec Google.

Le taxi s'arrête et le chauffeur s'empresse de m'ouvrir la portière.

Je le remercie après lui avoir payé sa course avec un pourboire à une hauteur probablement plus élevée que ses ambitions mais qui correspond plus aux tarifs des "tips" américains.

Je lui demande de m'attendre quelque instant avant de partir pour m'assurer que je puisse entrer à l'intérieur de la maison.

Il me fait un sourire en acquiesçant de la main avec une légère courbette avec une impression de dire "J'ai tout mon temps".

La porte d'entrée verte claire est fermée à clef, mais je me souviens d'une vieille habitude que ma mère affectionnait pour conserver un double des clés.

Je cherche un pot de fleur qui devrait m'apporter le sésame.

Mais il y en a quelques uns.

Le troisième repéré dans le creux d'une ancre sur la façade qui existait déjà en Floride a la clé légèrement enfoncée dans la terre. J'essuie mes doigts plein de terre. 

D'un signe de la main, je libère mon taximan et j'entre à l'intérieur.

Pas de doute, je retrouve tout ce que représentait ma mère pour moi dans mes souvenirs.

Tout est admirablement rangé avec des fleurs dans les coins.

Sur la table de salon, trois verres sont encore disposés en éventail avec du liquide évaporé dont il subsiste une odeur exhalée de bière.

Trois personnes ont donc fait partie de cette dernière réunion, fatale au moins pour deux victimes découvertes à quelques centaines de mètres dans une endroit relativement désert pour rester à l'abri des regards indiscrets.

Les fauteuils sont encore marqués par les traces des derniers invités lors de leur passage.

Aucun autre indice d'une présence étrangère qui pourrait faire penser qu'un drame aurait pu se produire dans la maison.

Quelle a été la 3ème personne ?

Était-il lui-même l'assassin ?

Dans ce cas, serait-ce mon père la 2ème victime puisque la première était une femme, donc ma mère?

Aucune présence policière n'a semble-t-il explorer les lieux.

Je ne peux anticiper plus de conclusions avec aussi peu d'indices. Il me faut plus d'informations.

Je regarde par la fenêtre et ma visite n'a pas dû passer inaperçue.

Une femme d'une vingtaine d'années s'approche de la maison avec des béquilles sous les aisselles.

La voisine, bien sûr.

Je n'ai pas eu le temps d'aller à sa rencontre avant qu'elle frappe à la porte.

Elle commence à parler dans un espagnol parfait.

- Excusez mon intrusion. J'observe la maison depuis quelques temps et je vous ai vu arriver. Je vous ai vu entrer en me disant que vous deviez être le fils qui m'a téléphoné.

Elle ne me prend pas pour un policier et je suis assez content de la voir aussi jolie malgré l’handicape de ses béquilles.

- En effet. C'est moi. Bonjour Mademoiselle Estamos. Je comptais vous chercher après ma visite dans la maison. Merci de m'avoir précédé. La maison a-t-elle été visitée avant moi ?

- Hier, deux policiers sont venus pour constater l'état de la maison à l'extérieur. Comme ils n'ont pas pu entrer, ils ont tournés autour de la maison et sont repartis probablement pour demander un mandat pour enfoncer la porte et visiter les lieux.

- Et ils n'ont même pas mis les scellés sur la porte. Au Mexique, tout est probablement plus lent qu'aux États-Unis.

- Certainement, la police a beaucoup à faire par ici. J'ai bien connu votre maman depuis qu'elle habitait ici. Un monsieur est venu plusieurs fois, bien plus tard. J'ignore qui il était parce qu'il restait très discret avec votre maman.

- Dans les journaux que j'ai consultés, on parle de deux victimes. Une femme et un homme. L'une d'entre elles, par déduction doit être ma mère, mais j'ignore quelle est la deuxième victime. Un Américain était-il dit sans précision au sujet de son nom. J'ai constaté qu'il y avait trois personnes lorsqu'ils ont quitté la maison avant le drame. Cela laisse vraiment un trouble dans mon esprit en pensant qu'ils devaient se connaître.

- Je ne les ai pas vu. Je suis désolé. Je devais être sortie. Je vis seule dans la maison voisine et parfois je fais un tour pour faire des courses à la grande surface. Dernièrement, je suis tombée et j'ai une jambe dans le plâtre.

- Voulez-vous vous asseoir et boire quelque chose? J'ai vu qu'il y a des verres sur la table avec une odeur de bière. Il doit bien y en rester. Je suis très impoli de ne pas vous l'avoir proposé plus tôt.

- Merci, je ne reste pas. J'ai un rendez-vous chez le médecin dans moins d'une heure. Il pourrait peut-être cassé mon plâtre.

Plus elle parle, plus je pense qu'elle apporterait chez moi, une chance de plus d'être écoutée.

Sa voix est d'une douceur sans pareil.

Cette voisine n'est pas chargée de surveiller ma mère mais, je comprends tout à coup pourquoi mon père s'est amouraché, un jour, de ma mère.

Ma mère, il y a une vingtaine d'années, devait être aussi jolie que cette Emmanuelle que j'ai devant les yeux.

Elle doit ressembler à ma mère quand elle était plus jeune.

Des cheveux de jais. Des yeux de braise. Un corps encore effilé qui n'a pas encore ingurgité de nourriture grasse comme on le voit tellement souvent dans la jeunesse américaine en surpoids.

Mon père a dû avoir un coup de foudre pour ma mère, à cette époque et il l'a emporté en Floride.

Je pourrais l'avoir aussi, mais j'efface temporairement mes pensées romantiques. Je ne suis pas ici pour des amourettes. 

Involontairement ma hargne me pousse à poser des questions parfois trop fraîches.

Si un jour, cette affaire de crime arrivait en justice, mon père vivant pourrait être cité comme témoin et la manière de vivre de ma mère pourrait être dévoilée avec plus de véracité que ce qui était noté dans les journaux à sensations.

Je ne le voudrais pas.

- Je me permets d'insister. N'avez-vous pas remarqué quelque chose de suspect qui présumerait d'un drame ?

- Non. Il y avait une grande intimité avec cet homme qui passait quelques fois chez votre mère. Mais il restait très discrets. Je ne sais d'où il venait. Il parlait très bien l'espagnol avec elle, avec un léger accent américain. Je n'ai pas osé poser de questions à son sujet à votre mère.

Ça c'est mon père tout craché. Je l'avais entendu parlé en espagnol et il était clair que ce n'était pas sa langue maternelle.

Précautionneux, il a essayé qu'on ne remarque pas qu'il était américain par son accent "yankee".

Il nageait toujours dans un secret voulu depuis le jour où il était entré à la NSA et c'était devenu dogmatique pour lui.

Sa discrétion faisait partie de son enseignement qu'il avait suivi dans cette grande entreprise du secret.

- Je vous remercie pour tous vos renseignements. J'espère que je peux compter sur vous si du nouveau venait à se préciser.

- Bien entendu. Je pars très peu de la maison. N'hésitez pas. Votre mère m'a souvent aidé pour porter mes courses quand je me suis cassé cette jambe.

Je pensais rester loger dans la maison de ma mère mais moi aussi, je pourrais y être en danger.

Je décide de trouver une petite chambre dans l'hôtel que le taximan m'avait proposé.

- Je vais à ce petit hôtel que l'on m'a conseiller. Ce n'est pas trop loin ?, dis-je en me rappelant de son nom.

- Non, pas du tout, mais prenez un nouveau taxi. Ils ne sont pas aussi chers qu'aux États-Unis.

- Aux États-Unis, vous y avez déjà été?

- Oui, il y a une dizaine d'années avec mes parents. Depuis, je suis devenue plus casanière.

- Et une agence de location de voitures ? Vous en connaissez par ici?

- Oui, il y en a une très proche de l'hôtel. Face à l'hôtel tout proche, vous aller à droite et vous aller y arriver en quelques centaines de mètres.

- Merci, je vais y aller à pied. Cela me fera du bien de marcher. Il est temps que je m'y rende. Si j'avais été en voiture, je vous aurais mené chez votre médecin.

- Ne vous en faites pas, j'ai l'habitude de prendre le bus.

- Ok. La voyage ne m'a pas trop fatigué. A bientôt.

En marchant, dans la direction indiquée, mon cerveau résume la journée et construit un plan pour le lendemain.

Qui a fait quoi ? Qui est mort ? Qui est encore vivant des trois?

Des questions lancinantes conditionnent toutes mes pensées en boucle pendant le trajet.

Arrivé à l'hôtel après moins d'une demi heure, une chambre m'est proposée.

Je m'y installe et après m'être couché sur le lit, j'ai dû m'assoupir très rapidement.

..

Chapitre 04: Rencontre du 3ème type

9.JPGDimanche après midi 21 mars 2017:

La nuit, j'ai peu dormi entre rêves et cauchemars et je me réveille relativement tôt, encore fatigué.

La voiture de location demandée la veille est devant l'hôtel m'a-t-on dit en prenant le petit-déjeuner.

Ma mère était né ici, à Acapulco. Elle a dû se faire apprécier par ses concitoyens.

Si mon père avait eu des contacts, cela pourrait être dans le café le plus proche de la maison de ma mère.

J'y retourne et un bistro comme on en rencontre uniquement au Mexique se présente à proximité.

Un bistro qui n'a rien d'un saloon comme chez nous.

Je m'y rends pour faire le point. J'en ai besoin de ce point de départ de mon enquête.

Je m'installe au fond de la salle dans un coin de pénombre.

La chaleur est intense dans ce café, mais je m'en fous. Je ne la sent même pas malgré mon front en sueur.

Je commande une bière mexicaine dont j'avais repéré le nom sur la table de la maison.

Je l'avale d'un trait avant d'en commander une deuxième.

Je commence à remuer le passé. A rêver à comment aurait fait mon père dans une telle situation sous le voile du secret avec une telle enquête à énigmes.

J'avais reçu une instruction militaire mais pas pour ce genre de mission auréolée de gloires secrètes.

Je ne connais personne par ici pour m'apporter de l'aide.

L'ambassadeur des États-Unis pourrait-il faire avancer ma recherche?

Pris dans mes réflexions, je ne remarque pas l'arrivée d'un type moustachu, barbu à souhait, très couleur locale, avec des cheveux longs en bataille qui s'avance dans ma direction. Il a l'air d'être un sans abris comme on en trouve dans nos villes américaines.

Il n'est pas réellement poisseux, mais il manque de respectabilité qui permettrait de lui accorder une confiance de prime à bord.

Il a un bras en écharpe et une jambe qui boitille d'une manière trop sensible pour qu'elle soit naturelle des suites d'une chute.

Sans rien dire, il me jette un papier en boule sur ma table et s'en va aussitôt sans demander son reste.

Qu'est-ce qu'il me veut?

Curieux, je déplie la boulette de papier et je commence à lire le papier sur lequel est écrit griffonné en espagnol :

« Je vais sortir. Dans un quart d'heure après que tu ais bu ta bière, retrouve-moi au ponton qui se trouve face à la mer en sortant d'ici. Je t'y attendrai ».

Pas de signature. Il me tutoie. Ce n'est pas un "you" sans précision américian. 

Intrigué, j'ai du mal à comprendre ce qu'il me veut pour exécuter son timing.

Les minutes me semblent très longues à boire cette bière devant moi dans le quart d'heure imparti.

J'hésite. Peut-être est-ce un piège, un guet-apens..

La curiosité est trop forte.

Je me lève après ce quart d'heure, je me rends dans l'endroit isolé qu'il a indiqué.

Je le vois un pied accolé contre un mur à m'attendre comme s'il se reposait.

- Bonjour Steph.

Tout doucement, il enlève sa perruque noire.

Là, ma surprise est totale. Une coupe de cheveux au couteau.

Je reste sans voix.

C'est mon père et encore bien vivant, malgré un bras en écharpe.

L'habit ne fait pas seulement le moine. La barbe et l'accoutrement font le reste.

J'avais oublié qu'il a dû se maquiller, se grimer et qu'il a pu changer d'identité tellement de fois dans son passé d'agent secret.

Mais contrairement à ce que je pensais, je n'aurais pu le reconnaitre.

Cela me rend heureux et triste à la fois.

Heureux parce que j'avais craint que ce soit lui qui soit la victime masculine assassinée dans le duo . 

Triste parce que la deuxième victime serait donc bien ma mère.

Il comprend mon émoi.

Pour rompre mon silence, il reprend la parole en anglais cette fois.

- Steph, surtout ne m'embrasse pas. Fais semblant que nous ne nous connaissons pas. On peut toujours me rechercher et me surveiller. J'ai observé si tu n'avais pas été suivi en venant à ma rencontre. Je vis comme un fugitif au Mexique et comme un mort aux États-Unis. La résurrection n'est pas bien connue par ici, non plus.

Si l'accoutrement n'est pas conforme, cette voix ne me donne plus aucun doute. 

Il prend une pose avec un sourire narquois avant de reprendre une tirade que j'écoute avidement.

- Ta mère a été tuée probablement à cause de moi. Enfin, ce n'est jusqu'ici que des suppositions. La NSA, j'ai immédiatement commencé à la soupçonner. Je ne me pardonnerais jamais de l'avoir entraînée dans cet assassinat si c'est le cas. Nous étions trois cibles pour un tueur à gage. Mon copain à la NSA a été la deuxième victime. J'étais probablement le premier visé mais son tir manquait de précision. Il a tiré et m'a touché à l'épaule près du cou, heureusement sans atteindre un endroit vital. Je suis allé voir un médecin privé qui m'a soigné succinctement mais j'ai dû mettre mon bras en écharpe. Je te raconte cette histoire encore toute fraîche dans ma mémoire.

- Bonjour, papa. Je ... je suis heureux de te voir. Tu me confirmes que maman y a laissé sa vie. Je pensais que tu aurais pu être une autre victime. Que penses-tu faire maintenant?

- Je dois rester dans l'ombre. Je ne peux agir en pleine lumière. J'ai le projet de découvrir qui est le commanditaire de ce tueur à gage avec la mission de nous tuer ta mère, mon copain Ted Bucanan de la NSA et moi-même.

- Penses-tu qu'il s’agisse de tes anciens employeurs de la NSA qui ont fait le coup?

- Cela se pourrait bien. Tu ne connais pas à quel point l'agence est puissante, suspicieuse et peureuse de perdre des secrets de fabrication dont on a appris les manies. Les espions transfuges sont la plaie pour un État.

- J'avais lu et appris le fait divers qu'il y avait deux victimes. J'avais pensé que c'était toi avec maman qui avaient été les victimes. Mais on parlait d'un troisième homme.

- Réfléchis. Après avoir trouvé nos passeports, la police a dû parler à la presse que les victimes de l'attentat étaient une mexico-américaine et un Américain. Depuis que je suis en Mexique, j'ai un passeport égyptien sur moi et plus mon passeport américain. Donc, cela ne pouvait être moi. Je suis mort pour notre pays. Ne l'oublie pas.

- Et la police mexicaine n'est-elle pas à ta recherche de ceux qui ont fait le forfait en ouvrant une enquête? 

- Probablement. Tant que l'on ne constate pas un mort en l'identifiant formellement, la police sera toujours à la recherche d'indices au sujet de la mort de victimes et de ceux qui pourraient avoir vu le crime surtout depuis qu'ici des Américains font partie de l'assassinat. J'en ai fait l'expérience. Ils pédalent souvent dans la choucroute.

- Je t'en prie. Prends ton temps. Je suis tout ouïe. Parle-moi de maman puisque tu es vivant. Tu l'as laissée pour morte et tu as fuit.

La colère se lit probablement sur mon visage. Il le voit et tente de se justifier.

 - Ok. Tu as partiellement raison. Je repasse tous les événements dans l'ordre. Tu te souviens, je pensais que j'étais visé déjà en Égypte. Je le ressentais. J'y avais pris l'identité de quelqu'un d'autre. Quand je suis rentré au Mexique pour rejoindre ta mère, j'ai choisi une autre identité. En mission, nous avons plusieurs passeports.

Vendredi, mon grand et seul copain de la NSA est venu passer des vacances au Mexique et nous a rendu, ma mère et moi, une visite inattendue. Au départ, j'ai eu peur qu'il avait vendu la mèche de ma fuite. Je l'ai invité chez nous. Nous avons bu quelques verres en nous rappelant nos expériences comme d'anciens combattants.

- Et alors, est-ce que tout se passa bien? Tu n'avais pas ressenti ce que tu craignais. Toi, tu sens quand on te ment.

- Oui et non. Mais mes craintes du début se sont effacées. Il était bien en vacances, alors j'ai eu l'idée de jouer au guide et lui montrer la ville de ta mère avec elle. Mal m'en a pris. Nous en a pris. Je n'en ai pas encore la preuve, mais mon copain a probablement été suivi par quelqu'un qui avait une mission de liquidation envers moi et tous ceux qui m'entouraient.

- Un tueur à gage comme dans les films de gangsters?

- Nous étions dans le collimateur d'un tueur à gage avec une mission de nous abattre. Ce genre d'exécuteur ne doit pas être très cher au Mexique. De plus, on ne laisse pas de témoins après un tel forfait dans ce milieu.

Il a attendu l'endroit le plus désert possible pour nous tirer dessus comme des lapins.

- Il t'a raté.

- Son premier tir devait être imprécis et il m'a seulement blessé mais je me suis affalé au sol et c'est ce qui m'a sauvé.

- Ma mère n'a pas eu cette chance.

- Puis il a rectifié son tir, changé de cibles en visant mon copain suivi de ta mère qui est tombée sur moi.

Tous les deux sont morts sur le coup. J'ai attendu quelques minutes avant de bouger.

- Tu n'as pas essayé de voir ton tueur ou de secourir maman.

- Faire le mort, permet de rester en vie. On t'apprend cela très vite dans le milieu. Il aurait réarmer et m'aurait eu avec une quatrième balle. Quelqu'un qui n'a pas reçu mon écolage, se serait relevé pour s'apercevoir si ceux qui t'accompagnent sont encore en vie. Nous étions en terrain découvert. J'ai entendu mon copain qui se rendait compte qu'il avait pu être l’appât pour la proie que je constituais.

Il a été touché d'une balle en pleine tête au moment au moment de s'être retourné pour tenter de voir d'où venait le tir. Puis ce fut ta mère qui passa dans la lunette du tireur.

Elle est donc tombée sur moi et sous son poids mort, j'avais même des difficultés pour respirer.

Cela pendant plusieurs minutes. Enfin, je n'en sais rien, en fait. Les minutes paraissent longues dans une telle situation.

C'est le chien qui nous accompagnait qui est venu me lécher le visage pour que je me lève. J'étais paniqué en voyant les deux cadavres à mes côtés.

J'ai encore attendu quelques minutes en plus avant de me lever de crainte que le tueur soit encore là.

- C'est tout ce que tu as fait ensuite? Tu es parti?

- Je suis parti. Oui. Que devais-je faire d'autre ? Rester et appeler ensuite la police? Tout cela recommencerait. J'aurais pu me laisser identifier. Ils auraient cherché de reconstituer mon identité avec mon faux passeport alors que je ne parle pas l'égyptien.

- Qui peut avoir commandité ton assassinat à la NSA?

- J'ignore. Qui sait, peut-être une taupe dans l'organisation. Enfin, c'est cela que je pense, mais je n'en ai pas la moindre preuve.

- Pourquoi n'as-tu pas essayé de me contacter ?

- J'ignorais le moyen de t'appeler sans éveiller de soupçons. Je sais que tu avais des contacts avec ta mère. Je pensais que tu allais vite savoir ce qui s'était passé et que tu viendrais par ici.

- Je râle, tout de même, Tu aurais dû me contacter.

- J'espérais le faire, crois-moi. C'est normal, tu devais t'inquiéter et découvrir l'attentat à la suite de l'absence de réponse hebdomadaire de ta mère au téléphone. J'avais raison puisque tu es là. Alors, je suis resté à proximité de la maison encore mieux déguisé avec cette perruque sur la tête qui m'a déjà servi, en t'attendant.

- Comment as-tu pu laisser maman? Je n'arrive pas à l'imaginer.

- Je suis très meurtri de l'avoir laissé. J'aurais dû mourir avec elle. Mais l'envie de me venger prenait déjà forme. Depuis, je n'ai pas beaucoup dormi. J'ai le visage figé de ta mère qui arrive dans mes cauchemars en revoyant la scène. Avant de partir, j'ai tâter le pouls de ta mère et de mon copain. Il n'y avait plus de vie ni chez l'un ni chez l'autre. Ta mère avait reçu une balle en plein cœur et mon copain en pleine tête. La police finirait par venir. J'ai eu une crainte depuis ce que les médias ont écrit dans les journaux. Ils parlaient de deux victimes et pas de trois. Une deuxième occasion pour finir le travail, peut toujours se représenter pour éliminer le troisième.

- Tu réagis toujours ainsi?

- J'ai été drillé pour réagir au quart de tour pour que je prenne très vite une décision dans ces moments douloureux. Je t'avais raconté la décision que j'avais prise en Égypte.

- Oui. Et, donc pour toi, ton enquête commence avec la NSA.

- Je connais tellement bien les volonté de laisser le voile au dessus des collaborateurs anciens ou nouveaux de la NSA.

J'ignore quel serait un autre commanditaire de cela sinon la NSA, elle-même.

Je n'ai pas fait partie d'aucun cartel de trafic de la drogue qui par ici, exécute les gêneurs.

A qui d'autre devais-je gêner ?

- Tu peux imaginer que remonter la piste du tueur jusqu'au commanditaire, peut être longue. Je ne pourrais pas t'aider très longtemps. Je n'ai qu'une permission de quelques jours.

Mon père marqua une pause presque essoufflé par l'émotion.

Il avait raison qu'un entraînement particulier peut mener à prendre des décisions autres de toutes autres personnes, mais je restais abasourdi par l'enchaînement des événements.

- Je suis content que tu sois en vie, papa et qu'enfin on pourra avoir des conversations entre hommes comme je l'ai toujours espéré et que je n'ai jamais eu avec toi.

- Je te prie de m'en excuser. J'ai mis un doigt dans un engrenage et je me suis laissé prendre à mon propre jeu. J'ai été très souvent absent pendant ton éducation. Tu es parti en internat à l'armée et je me suis dit que ton éducation serait bien mieux prise en charge à l'armée. Garder tout mon entourage privé en dehors des secrets a parfois été une torture pour moi.

Qu'as-tu déjà fait en arrivant au Mexique?

- Rien ou presque. D'après ce que j'ai lu, les Mexicains ont une fâcheuse habitude dans les meurtres entre cartels que plus rien ne les touche.

A l'armée, j'avais pris contact avec le voisin de maman, Madame Estamos. Elle m'a donné une aide précieuse.

- C'est une femme très charmante d'après ta mère. Je ne lui ai jamais adressé la parole mais ta mère m'en a beaucoup parlé. Ils partageaient les mêmes passions pour les fleurs et cela avait soudé leur relation dans plus d'intimité. Mais, je suis toujours resté dans l'ombre avec ma nouvelle identité.

J'allais voir ta mère chez elle mais, je n'y habitais pas. Je suis resté dans un petit hôtel. La dame Estamos ne te connaissait pas mais je suppose que ta mère lui a révélé ton existence à l'armée avec une certaine fierté. Normal que cette dame s'est inquiétée ne voyant pas ta mère revenir chez elle.

- Que désires-tu entreprendre dans l'immédiat en ne connaissant rien des commanditaires potentiels ? Quel est ton plan? Je ne suis au Mexique que pour peu de temps.

- Me venger d'une façon ou d'une autre de la perte de ta mère avant tout. Si c'est possible. Faire payer celui qui en est l'auteur et le commanditaire. Je veux connaître la vérité. Faire de la prospection, cela me connaît un peu mais il faut aller vite. Le temps presse. Plus le temps passe, plus les traces s'effacent. Je connais tellement de choses sur les services secrets mais je n'ai pas encore parlé à personne.

Visiblement, mon père sourit d'un rire carnassier en prononçant ses paroles.

- Et toi, que venais-tu faire au Mexique quand tu as quitté l'armée ?

- La même chose que toi : comprendre pourquoi je n'avais plus de nouvelles de ma mère. Trouver maman si elle vivait et que ces infos n'avaient rien à voir avec elle.

Heureusement, je connais tellement de choses et de techniques qui pourraient me servir. Cela veut dire que tu vas entrer partiellement dans une partie de clandestinité comme moi, dans l'ombre des secrets. Te rends-tu compte de cela ? Les meurtriers ne sont pas des enfants de cœur. Ils ne font pas dans le détail. Cela je peux te le jurer. J'ai pensé faire mon enquête sans toi. Mais à deux, cela pourrait être plus simple dans les contacts officiels comme lien avec ta mère. Moi, je ne plus être qu'une ombre, qu'un fantôme. Tandis que toi, tu as un motif familial.

- C'est toi qui te me mets en première ligne d'un nouveau tir à la pipe et moi en second plan, dis-je en souriant enfin.

- Je comprends ta remarque et le risque qu'il comporte. Tu peux le refuser. Libre à toi. J'ai entendu mon copain dire avant de mourir « Ce n'est pas moi » dans sa détresse. Il m'a beaucoup ému. A mon idée, même involontairement, c'était lui qui a pu attirer un tueur. Il était le seul impliqué dans le secret de ma désertion de la NSA.

- Et, je répète ma question, "ton plan sera" ?

- De remonter la piste pour les toucher en plein cœur du complot. Je n'imagine même pas toucher tout de suite les commanditaires. Je n'ai même pas pu rendre visite à la morgue à mes deux morts que j'aimais pour leur présenter mes derniers hommages. Les abandonner a été un véritable supplice. Voilà ce que tu peux faire en me représentant sans le dire.

- Une piste des cartels de la drogue ne se trouve pas sur ton chemin?

- Si. Les commerces de la jungle des bas-fonds de Acapulco ont deux vies, une de jour et une de nuit. J'ai remarqué que les produits illicites de la drogue transitent de nuit avec leurs vendeurs de crack. La police ne parvient même pas à les surveiller pour imposer un semblant d'ordre. Les cartels touchent une partie des commerces dans des rackets en échange de nourriture et de vêtements, en plein jour. Quand la police fait des descentes la nuit, c'est comme si la pègre était prévenue de leur arrivée. Les mules, on les reconnaît. Pour faire gentleman honorable, ils portent des vêtements trop chauds, trop larges pour l'endroit. Ici, même la nuit, on frise une moyenne de 25°C dans une chaleur moite qui colle à la peau. Elle envahit le corps de sueurs permanentes. Les manteaux permettent de cacher les petites affaires. J'ai été impliqué dans des affaires politiques. Je connais. J'étais spécialisé dans celles de Cuba, puis celles de Russie qui y est reliée, mais pas au Mexique.

- Tu penses t'en sortir. Je ne serai pas d'une aide très efficace.

- Plus jeune, j'aurais eu besoin d'actions et d'adrénaline, mais, j'ai vieilli, ce n'est plus le cas. Je pensais terminer mes jours par ici avec ta mère en espérant que tu viendrais nous rejoindre quand tu le pourrais et qui sait, un jour, avec une femme et de petites enfants. Le destin en a décidé autrement.

Ce fut le premier moment où je vis un peu de rêves dans les yeux de mon père. Il s'accompagnait d'un sourire de dépit mais avec les larmes aux yeux.

- Désolé d'avoir souri, inapproprié. On ne peut pas revenir en arrière même si le passé est désolant. Tu sais, j'ai servi trop fidèlement la NSA au point que mon couple aurait éclaté avec ta mère si elle n'avait pas été toujours compréhensive.

- Que sais-tu de la NSA qui pourrait te servir?

- Aujourd'hui, j'ai appris que Mike Pompeo est le nouveau directeur de la CIA et ami de Trump. Je ne le connais pas. Est-ce lui le responsable de la mort de ta mère et de mon copain ou quelqu'un de plus caché. Je voudrais remonter la filière, faire parler l'exécuteur même par la force sans passer par la torture mais par une persuasion à son avantage. La collusion peut aller jusque là. 

- Restes-tu dans les parages?

- Non. Je me suis aussi tenu à proximité de notre maison pour écouter les ragots jusqu'au moment où je t'ai vu arriver et que tu as parlé avec la voisine. Je ne suis évidemment pas intervenu. Tu as le même souci de connaître la vérité sur ce qui s'est passé. Tu peux rester en pleine lumière avec ton nom, ce que je ne pourrais pas. Cela me suffirait. L'armée des ombres, j'en ai appris toutes les techniques pour y survivre en expert de la manipulation.

- Tu sais ce pouvoir magique sera nécessaire. Je n'ai pas appris les ingrédients de cette soupe magique.

Mon père sourit avec nervosité.

- J'espère te raconter un jour tout cela. Je ne suis plus tenu à tous les secrets. Cette fois, j'ai l'intention d'utiliser mes connaissances pour mon propre usage tout en restant dans la clandestinité. J'ai été en immersion dans des milieux qui pouvaient m'être hostiles. Je ne faisais pas de recrutement, mais j'avais toutes les autres missions qui passaient par les extrêmes pour saborder les entreprises de ceux que la Firme estimait comme ennemi. J'ai encore une série de passeports fabriqués qui me permettaient d'entrer et de sortir de différents pays avec d'autres identités.

Je te demande une nouvelle fois : Serais-tu partant pour m'aider si nécessaire pour apprendre la vérité. Venger ta mère, je m'en charge. Je ne veux pas que tu prennes trop de risques en perdant la vie comme mon mentor?

- Et comment que je suis partant. Et comment que je désirerais percer ce trouble qui m'oppresse. J'ai pris un congé quelques jours pour les funérailles de maman. Remonter les fils, si je peux, pourquoi pas?.

- Attention ne répond pas si vite. Cela pourrait aller à l'encontre de ton enseignement militaire. Tu peux risquer ta vie.

- Je m'en doute, mais cela ne me fait pas peur. Que penses-tu qu'il faudrait que je fasse pour te le prouver ?

- Vas d'abord à l'ambassade des États-Unis pour voir s'ils ont plus de renseignements. La police, peut-être. As-tu une voiture ? 

- Oui, J'en ai loué une.

- Avec GPS ? L'ambassade des États-Unis, je ne sais pas où elle se trouve. Il y a une demi-heure tout au plus pour arriver dans le quartier des affaires où elle doit se trouver. Quand tu y seras, demande immédiatement l'ambassadeur.

- Toi, que fais-tu en attendant ?

- Un tueur à gage est toujours prêt pour une nouvelle affaire du même genre. 

- Comment vas-tu t'en charger ?

- Très simple. Une petite annonce dans un journal d'offre d'emploi du genre « Cherche un homme de confiance qui en diminuera quelques autres qui ne donnent plus confiance ». Je trouverai bien un moyen en me transformant en homme de main, tueur d'occasion.

- OK. On se retrouve comment et où ensuite ?

- Ne cherche pas à m'appeler qu'en situation extrême à ce numéro. Tu vois ce bistro mexicain au coin de la rue où on s'est rencontré. J'y serai régulièrement vers 13 heure à boire quelque chose.

- OK. Je prends note. La police, puis à l'ambassade et la morgue, et j'organiserai les funérailles de maman au cimetière de la ville. Pour ton copain, l'ambassade devra s'en charger puisqu'ils auront ses coordonnées.

- Je te laisse. Moi je vais parler en douce avec les gens du peuple. Dans ce café pour commencer sans insister trop. Il ne me connaisse pas et mon déguisement me permettra de rester incognito. Peut-être, les gens ont-il aussi des infos sur la mafia mexicaine. Quand on aura des candidats au mandat de confiance, il faudra l'interroger quelque part ne restant masqué comme font tous les mandataires pour ne pas se faire reconnaître, je t'appellerai. A demain, 13 heure. Rappelle-toi le nom de mon copain Ted Bucanan. Tu pourras demander de le voir à la morgue. J'aimerais lui rendre un dernier hommage comme à ta mère mais je ne peux pas.

Je quitte mon père sans me retourner mais je me doute que si je devais le faire, il ne serait déjà plus là.
Je continue à marcher comme un automate, pris dans mes pensées en me dirigeant vers ma voiture de location.

Encore retourné après cette rencontre du troisième type, j'ai eu mon compte pour la journée.

Je décide de marcher sans frôler les passants qui circulent en sens inverse.

Il devait avoir plu très tôt dans la matinée. Le soleil darde déjà au centre d'un ciel bleu roi, sans nuage, rutilant comme les petits plats à dessert que ma mère préparait pour le dimanche midi et dont il n'y en aura plus désormais.

J'ai besoin de marcher et de marcher encore jusqu'à m'en fatiguer.  Ne plus penser, c'est presque impossible.

Je transpire comme un bœuf et la sueur dégouline à partir de mon cou jusqu'à l'interstice de mes fesses mais je ne sens rien, perdu complètement dans mes rêves de jeunesse qui se sont éteints.

..

Chapitre 05: Enquête au dessous de tous soupçons

0.JPGLundi, 20 mars 2017.

La nuit précédente avait commencé par des réflexions et puis j'avais sombré dans un sommeil profond sans rêves ni cauchemars.

Premier objectif de la journée, aller dans le bureau de police le plus proche.

Je gare la voiture dans une place de parking restée vide.

A l'entrée d'un commissariat, un planton m'interpelle et je demande de voir le principal.

C'est un commandant de gendarmerie qui me reçoit.

Pas de FBI au Mexique, mais probablement d'autres techniques de recherches des coupables parmi les cartels de la drogue puisque celle-ci fait des ravages.

Je lui raconte dans les formes, l'objet de ma visite en ne précisant que les points qui peuvent être connus par lui et par moi.

Mais je sens que ses réponses sont vagues et qu'il s'en fout complètement de commencer une enquête policière.

J'ai l'impression qu'il est là pour m'apporter de la poudre pour mes beaux yeux d'un Américain patenté comme il le ferait pour tous les touristes américains pour lesquels il est mandaté pour béatifier la vie à Acapulco en donnant comme seule restriction de ne pas fréquenter la ville de nuit.

J'enrage.

Les crimes entre bandes rivales de la drogue font la part belle comme nécessité à la police mexicaine. Le reste n'est pas dans ses prérogatives.

Il me donne l'impression d'entendre mais de ne pas écouter.

Deux victimes descendues retrouvées sur la voie publique. Ok.

Une Mexicaine d'origine et un Américain comme il est mentionné dans la presse. Encore Ok. 

Les corps de deux personnes ont-ils été autopsiés ?

Dans quelle morgue sont-ils?

Son sourire narquois m'agaçait et prouvait que je ne devais pas dépasser un certain seuil d'entendement de mon interlocuteur.

Mon affaire ressemble à une fausse exception venant d'un passager clandestin venu d'une autre planète.

Il ne semble être au courant de rien.

Il téléphonera à une centrale pour s'informer renseignements mais pas sûr qu'il en saura plus ensuite...

Je lui dis que je reviendrai.

Il me tend la main en m'affirmant qu'il me tiendra au courant dès que l'enquête aura évolué.

Je le quitte avec des remerciements qui proviendrait du dessous de ma ceinture.

Moins d'un quart d'heure, je me retrouve en dehors du commissariat furieux d'avoir perdu mon temps avec la résolution de ne plus jamais remettre les pieds dans un bureau de police.

Je suis presque content de me retrouver à la rue en dehors de son bureau étroit sans climatisation.

Il me faut progresser autrement. Une envie de vengeance commence à naître en moi dans un besoin de justice envers ma mère et pour justifier ma présence au Mexique.

En suivant le conseil de mon père, visite suivante, l'ambassade des États-Unis.

Le GPS de la voiture pour me la localiser et quinze minutes pour y arriver.

Pour cela, l'ambassade américaine ressemble très fort aux autres habitudes américaines.

J'entre dans le hall après avoir montré mon passeport au planton de service qui inspecte mes papiers.

- Bonjour que puis-je pour vous ? demande la réceptionniste dans un anglais parfait avec un large sourire.

- Je suis militaire en Floride. Veuve de l'armée, ma mère a habité depuis quelques mois dans cette ville. Ne recevant plus de nouvelles de sa part, je la croyais disparue. Elle a été abattue. Apparemment, il s'agit d'un assassinat. Je voudrais voir l'ambassadeur.

- Je comprends. Vous avez de la chance, il est présent ce matin. Je vais vous annoncer.

Elle prend le téléphone et parle en espagnol de ma visite.

Ce qu'elle dit correspond presque mot pour mot à ce que je venais de dire.

Elle m'indique le bureau de l'ambassadeur.

Je frappe la grande porte après m'y être rendu.

- Come in. Entren. dit une voix forte en deux langues.

L'homme, la cinquantaine, les cheveux grisonnant m'invite à m’asseoir en face de lui.

En anglais, je lui répète une nouvelle fois l'objet de ma visite au Mexique ainsi que mes états de service dans l'armée américaine qui m'a octroyé une permission d'entreprendre des recherches à la suite d'un attentat perpétré contre elle.

- Je me suis déjà rendu sur place dans la maison de ma mère. Je cherche à comprendre les raisons de son assassinat. Mon père a été tué en Égypte où il était parti en mission pour la NSA. Après son décès, ma mère avait retrouvé ici ses racines en son lieu de naissance.

Les mots NSA et secrets font plissé le front et les sourcils de l'ambassadeur tout en augmentant visiblement son intérêt.

- Votre père a été tué en mission ? C'était une mission dangereuse?

- Peut-être, dans les services secrets, vous devez savoir qu'on n'est pas très parlant avec son entourage et avec sa famille. En 2016, il était en Égypte et il a sauté sur un mine ou quelque chose d'approchant. Je ne connais pas tous les détails de cet attentat. Son corps a été rapatrié et ma mère et moi avons assisté à son enterrement avec tous les honneurs pour bons services à la nation.

- Ok. Je comprends votre inquiétude.

- Je viens vous voir si je peux compter sur votre action pour essayer de me renseigner sur ce qui s'est réellement passé. C'est très récent et peut-être n'avez-vous pas été informé que c'était en plus une citoyenne devenue américaine par son mariage. Elle a été trouvée assassinée au côté d'un autre Américain dont probablement les autorités policière mexicaine ne connaissent rien.

- Vous avez raison, je n'ai pas encore été informé de tout cela. L'enquête doit avoir commencé, mais les infos ne me sont pas encore parvenues. Deux victimes américaines, dites-vous? C'est plus rare. Dans ce pays, la mafia et les cartels de la drogue règnent en maître et les meurtres sont plus courants entre bandes rivales de ces cartels. Nous avons une crise de la sécurité dans la ville.

Je sens que je vais me retourner bredouille avec mes pauvres connaissances de la ville où l'on dégaine son flingue pour n'importe qui en moins de temps qu'il faut pour le dire.

Je ne pouvais pas lui en dire plus au sujet de notre famille et encore moins de la résurrection de mon père au Mexique. Aucun intérêt d'insister.

- Je vais vous donner mes références, mon numéro de portable et ma carte. Si vous avez la moindre nouvelle sur l'affaire de ma mère, n'hésitez pas. Je vous remercie d'avance pour vos actions futures. Avant l'enterrement, je suppose qu'il y aura une autopsie.

- C'est possible mais pas certain. L'enterrement aura probablement lieu très rapidement. On ne peut conserver les corps très longtemps dans ce pays où l'humidité fait la loi.

- Je vais aller à la morgue pour voir ma mère et l'homme qui l'accompagnait. Où est la morgue?

- Il n'y en a qu'une dans le quartier pauvre. Dans les frigos, les corps y débordent dans des sacs en plastique. Rien à voir avec les morgues américaines. Je vous tiendrai au courant dès que l'affaire arrive à mes oreilles. Donnez-moi votre numéro de portable. Je m'informerai et vous confirmerai le moment de l'enterrement. Je suppose qu'elle reposera mieux dans la terre de ses ancêtres.

- Je trouve aussi. J'attends de vos nouvelles.

Je me lève, je serre sa main avec le plus beau sourire que je détiens encore en réserve.

Je sors de l'ambassade et reprends ma voiture en direction de la morgue.

La morgue, un endroit que l'on peut définir comme sordide.

A l'entrée, je me fais connaitre et donne le nom de qui je viens voir avec mon passeport comme sésame.

Le nom de mon passeport, lui parait une raison suffisante de ma présence.

- Cela a été un meurtre. Y a-t-il eu une autopsie?

- Non. C'est beaucoup trop tôt. La semaine prochaine. Peut-être.

Pas très disert, le gars de la morgue.

Le tempo ne doit pas être le même que chez nous pour ce genre d'info stratégique.

Le préposé à l'entrée me précède vers une des grandes salles froides après avoir trouvé le nom et un le numéro associé dans un registre.

Nous entrons dans une grande pièce dans lequel des tiroirs à taille humaine se superposent sur plusieurs étages, alignés côte à côte comme on le voit dans nos films américains. Mais la ressemblance s'arrête là. La rouille et la saleté font partie du décor.

Être dans une morgue, pour moi, c'est une première. Mais, ce n'est pas celle-ci que j'aurais voulu voir comme première entrée dans le monde des morts.

Le gars avec sa liste de noms et le numéro du tiroir associé, n'a pas mis longtemps pour trouver celui qui doit contenir le corps de ma mère.

Dans un geste automatique, il tire le tiroir et sous le sac qu'il retire, ma mère apparait, les yeux fermés presque souriante.

Aucune trace, aucun indice de ce qui a pu la mener allongée là devant moi sans bouger. Le sang qui avait dû exister, a été nettoyer.

Ce que je ne voulais pas voir est devant mes yeux.

L'effroi doit être la même sensation pour toute authentification de mort par la famille, mais je n'en ai eu aucune expérience.

Le préposé se retire quelque peu pour me laisser seul avec le corps.

Avec les larmes aux yeux, j'embrasse ma mère par deux fois.

Je prends une photo avec mon portable pour la présenter à mon père, plus tard.

Vais-je oser lui demander de voir celui qui est parti avec elle dans l'au-delà?

- Ma mère est morte à côté d'un Américain. Il s'appelle Ted Bucanan. Pourriez-vous me le montrer pour voir si je le connais et s'il y a un lien avec ma mère?

Le préposé consulte à nouveau sa liste de macchabées sorti d'un film de mauvais suspense.

Il ouvre un deuxième tiroir à quelques pas de celui de ma mère qu'il vient de refermer.

- Ce corps vous rappelle quelque chose?, dit le préposé en ouvrant le sac

Je ne le connais évidemment pas. Est-ce qu'il voudrait me faire révélations?

- Non, je ne connais pas, répondis-je.

Il se retire une nouvelle fois.

En douce, je prends une nouvelle photo avant qu'il ne referme le grand tiroir.

La photo de Ted sera destinée à mon père.

Quelques minutes après avoir signé dans le registre des présences et la reconnaissance du corps de ma mère dans le même registre, je me retrouve à la rue.

La différence de température entre l'intérieur et l'extérieur dégèle la sueur de mon dos qui s'était raidie. 

Je suis abattu. L'émotion doit encore visible sur mes traits.

Mon portable sonne.

- C'est l'ambassadeur. J'ai reçu des nouvelles de votre mère. L'enterrement aura lieu demain mardi matin à 11 heures au cimetière de la ville, au 'Panteon del Eterno Descanso'. Puisque votre maman est née dans la ville, je pense que ce serait le meilleur endroit pour la faire reposer si vous ne désirez pas rapatrier le corps. Il n'y a pas eu d'autopsie. Et il n'y en aura pas.. 

- D'accord. J'y serai. Je trouve aussi bien qu'elle retrouve son endroit de naissance. Je ne sais pas où ce cimetière se trouve, Le GPS me guidera. Je vous remercie. Je vous charge de vous informer sur l'autre Américain que je ne connais pas, décédé pendant le même attentat  et de prévenir sa famille.

- Je m'en charge.

Sur ces paroles, je presse le bouton stop de mon portable.

Je suis pressé de revoir mon père pour lui raconter mes visites et lui montrer les photos, j'ai juste le temps d'aller au rendez-vous qu'il m'a fixé à 13 heures.

L'heure de pointe fait que je me retrouve dans un encombrement d'un trafic rendu plus dense pour les heures de repas qui s'étendent sur une partie de l'après-midi.

J'ai peur de ne pas arriver à l'heure.

J'arrive enfin au lieu du rendez-vous après avoir dépassé de plus d'une demi heure le timing.

Personne au rendez-vous. Mon père a dû renoncer à m'attendre.

Comme prévu de manière implicite, le rendez-vous est remis au lendemain à la même heure.

Je n'ai plus qu'à retourner à la maison de ma mère pour m'imprégner un peu plus des lieux où elle a vécu ses derniers moments en attendant d'aller à l'enterrement le surlendemain.

Un quart d'heure après, j'y arrive. Je reprends la clé que j'avais enfoncée dans la terre et j'entre.

Dix minutes après, j'entends frapper à la porte.

Emmanuelle est là toujours appuyée sur ses béquilles.

- Toujours sur béquilles?

- Oui. J'enrage. J'avais pensé que le médecin m'aurait permis de sortir ma jambe de cet étau de chaleur.

Je la fais entrer et nous parlons pour faire connaissance d'une manière la plus banale possible.

Sa voix m'arrive comme dans un nuage dans un monde de brutes dans laquelle la vie n'a apparemment pas beaucoup de poids.

Je lui parle de ma mère mais j'évite de parler de mon père avec la peur de parler de lui au présent.

Les filles, j'en ai connu suffisamment pour ne pas être impressionné au premier regard.

Pourtant, je ne sais pourquoi, un nouveau sentiment d'intégration nait entre elle et moi.

Il y a une grande différence avec les autres filles que j'ai connues et ce que je ressens avec Emmanuelle.

Elle a une sagesse et un raisonnement que l'on ne découvre pas chez les filles que j'ai connu quand je me trouvais habillé en militaire à Penniscola.

Je la questionne sur sa famille, sur ses expériences, sur ce qu'elle fait.

Tout à coup, une idée me vient.

Une simple question que j'ai dû peut-être prononcer dans le passé.

- Voulez-vous m'accompagner au restaurant ce soir pour mon avant-dernier soir?

- Pourquoi pas. Je connais un restaurant sympathique et typiquement mexicain qui vous amusera.

Je vous laisse continuer à faire l'inventaire des souvenirs de ma mère. Je retourne chez moi. Des affaires de filles seules m'attendent. Je suppose que vous connaissez cela. Rendez-vous ici à 19:00, cela vous va?

- Bien sûr. C'est parfait.

Sans me rendre compte de ce qu'elle fait, comme si c'était naturel, comme si nous nous connaissions depuis toujours.

Elle a au moins une tête de moins en hauteur.

Sera-t-elle choquée si je l'embrassais en copains?, pense-je.

Je lui dis : « À ce soir sept heures ». Elle précède mon envie. Elle m'embrasse sur les joues en se mettant sur la pointe des pieds.

Pris de court, je ne réagis pas vraiment, mais son parfum m'arrive dans les narines et me donne un frisson de plaisir.

Le reste de l'après-midi, c'est comme si j'ai la tête ailleurs.

D'abord, je décide d'aller me promener sur une des plages parmi les moins fréquentées.

Ce ne pas encore bondé à cette heure.

Cette zone de la ville reprend vie à la soirée tombée avec les néons et la musique qui s'échapperont très certainement des bars en plein air dans un gigantesque disco bar. Mais en ce début d'après-midi, tout est relativement calme. 

Il fait trop chaud et pour les touristes, c'est l'heure de se restaurer dans les hôtels.

Je sens la chaleur du sable percer mes semelles.

J'arrive enfin à la partie huppée de Diamante qui grimpe progressivement et offre une vue panoramique sur la baie de la Péninsule des Playas jusqu'à Playa Icacos.

Je m'assieds sur un rocher et je comprends enfin qu'à certains moments, à l'abri des turpitudes de la ville, la baie peut être aimée à sa juste valeur. Ma mère a dû aimer sa ville, son lieu de naissance comme je ne le pourrai jamais.

Un peu plus loin, à La Quebrada, les "clavadistas", les plongeurs de hauts vols, ont certainement des spectateurs à cette heure, mais je n'ai aucune envie d'aller les voir se faire payer pour leurs plongeons à la hauteur de l'impossible. 

Après un temps indéfini, je décide de retourner dans la maison de ma mère.

Peut-être y trouverais-je des secrets de famille qui ne me sont jamais parvenus.

Vautré sur le sol, après avoir vidé une petite bibliothèque, je consulte les documents qui se trouvent dans deux ou trois boîtes à chaussures.

Des photos, un peu jaunies ou aux couleurs fortement délavées de ma mère avec ou sans mon père, des lettres et quelques objets, une pipe qui a dû appartenir à mon père encore jeune avec elle.

Je n'avais jamais vu mon père fumer de pipe et pourtant, elle a dû servir puisque de la nicotine a noirci l'intérieur.

Je ne reconnais pas toutes les photos. Des souvenirs de ma mère dans l'exclusivité de sa vie antérieure me sont complètement inconnus.

Il me semble que ma mère a dû avoir d'autres étapes de vie avant de la partager avec mon père.

Rêveur, je passe tout en revue sans chercher à comprendre.

Les histoires familiales que je n'ai pas connu, me passent sous le nez.

Je passe à la boîte à chaussures suivante.

Là, je trouve des photos des parents de ma mère que je n'ai pas eu l'heur de connaitre.

Le temps passe mais ne vieillit pas quand il existe en deux dimensions sous forme de photographies. 

Ma mère se trouve au milieu de ses parents en riant en les regardant, les yeux dans les yeux. Elle doit avoir à peine quinze ans.

Des photos plus récentes arrivent avec l'arrivée de mon père.

Ils sont déjà installés à Naples et ils s'embrassent avec le pont en arrière plan que je connais tellement bien pour y avoir été des centaines de fois.

Le reste de l'après-midi passe à lire encore plusieurs lettres que mon père a dû lui écrire avant d'entrer à la NSA. Rien de très secret.

Je fais un break.

C'est à ce moment que je repense à Emmanuelle et une question lancinante me vient à l'esprit.

Moi, coureur de jupons, impénitent, qui n'avais jamais pris les filles au sérieux, suis-je en train à ce moment de ma vie de reconstruire l'aventure de ma mère et de mon père avec presque trente ans d'écart?

Je me débouche une deuxième bouteille de bière encore fraîches dans le frigidaire que je bois d'un trait. Je retourne à mon exploration du temps et quelque part, à mon enquête.

Une photo montre la devanture d'une entreprise avec mon père et un autre gars plus jeune en avant-plan que je ne connais absolument pas.

Au verso de la photo, les notices avec le nom de cette société et l'année presque totalement effacés que j'ai du mal déchiffrer vu que la lumière du jour s'est décidée à décliner.

Les dernières lettres d'amour probablement aux services secrets, sont non datées, sans clarification ni à raconter sur ce qu'il faisait à la NSA.

L'heure du rendez-vous approche et je décide de refermer les boîtes à chaussures.

Pourtant, je ne suis pas sûr de revenir avant longtemps.

A 18:55, une inquiétude me prend.

Emmanuelle n'aura-t-elle pas changé d'avis?

Celui qui, attentiste, n'en mène pas large, bizarrement, c'est devenu moi.

En attendant, je prends un poste devant la fenêtre qui pointe vers la maison d'en face.

A 19:10, Emmanuelle arrive enfin.

Je dis 'enfin' tellement les dix minutes de dépassement m'ont parues longues.

Je me précipite au dehors à sa rencontre.

Elle est vêtue de manière très légère d'une robe rose décontractée mais toujours avec le pied dans le platre.

Je ne pense même pas à la féliciter pour sa tenue.

Même simulacre, mêmes baisers sur les deux joues.

Je l'invite à bord de ma voiture de location en l’aidant après avoir placé ses béquilles sur le banquette arrière.

- Prenez la deuxième à gauche et puis la 3ème à droite, me dit-elle une fois assise à côté de moi derrière le volant.

J'exécute ses recommandations sans rien dire en n'osant pas trop regarder de son côté.

Quelques minutes de silence et puis, elle reprend son rôle de guide.

- C'est là après l'hôtel, un petit restaurant. On peut se garer là, entre les deux voitures.

- Ok, finis-je par dire.

Nous sortons du véhicule. 

Sortie en exécutant les opérations dans l'ordre inverse.

Nous voilà sur le chemin d'un petit restaurant typique avec une tête sous un grand chapeau mexicain.

- C'est un petit restaurant sympathique, il y a de la musique à partir de 20 heures. Veux-tu que je commande pour toi?

J'ai remarqué le ton chaleureux qui tranche avec nos contacts précédents.

- J'ai confiance. Vas-y, je prends la même chose que toi. Je ne connais rien de la cuisine mexicaine. Épate-moi.

Elle commande. Un serveur prend note de la commande et les plats arrivent moins d'un quart d'heure après.

En mangeant, elle donne toutes les techniques de cuisson de nos plats avec leur provenance et leur histoire sans que le serveur y ajoute une autre version.

- Notre histoire mixte a mélangé les piments au maïs, au haricot, au avocat, à la tomate au riz, le bœuf, le porc, le poulet, le chèvre et le mouton d'origine espagnole pour former un mole avec une sauce au cacao, au sésame, aux cacahuètes emballé dans une tortilla. Les marchandises venaient à l'époque à partir de Manille jusqu'ici à Acapulco.

Je commence à déguster.

- C'est bon et varié", dis-je.

- Notre cuisine traditionnelle est entrée au Patrimoine immatériel de l'UNESCO, répond-elle avec fierté non dissimulée

Étonné par sa culture générale, je l'écoute avec avidité sans l'interrompre comme si j'avais décidé d'apprendre à faire la cuisine ou de devenir guide à Acapulco dans le futur.

- Comment as-tu appris tout cela?

- Ma mère m'a beaucoup parlé de notre histoire et de notre famille. J'ai suivi des cours de tourisme. A Acapulco, ce sont les études les plus prisées.

Le goût de la nourriture passe au second plan, remplacé un cortège d'informations diverses.

Que lui dire qu'elle ne sait déjà à mon sujet?

Ma mère a dû lui servir tous mes exploits à l'armée avec beaucoup d'intérêts.

Sentant ma réserve, elle parle de ses petites histoires de jeunesse auxquelles je connecte les miennes.

Tard dans la soirée, je la reconduis au point de départ, devant chez elle.

J'ai presque oublié le but initial de ma visite au Mexique à retrouver ma mère et le pourquoi elle a trouvé la mort dans un attentat.

Je m'avance pour l'embrasser sur les joues comme si c'était déjà une habitude.

Elle arrête mon mouvement, se met une nouvelle fois, sur la pointe des pieds pour m'offrir un baiser sur la bouche, me sert le coup d'une main et me caresse la joue de l'autre.

Là, je suis vraiment surpris.

J'ai perdu l'initiative. Elle m'a devancé alors que c'était moi qui aurait dû  commener par ce genre d'approche.

Ce n'est pas la première fois que j'embrasse une fille, mais c'est comme si cela avait été une première par son côté inattendu.

- La vie est trop courte pour laisser passer une une occasion. Ici, on vit et on meurt sans s'en rendre compte et sans le demander à personne", dit-elle le plus simplement du monde.

- Je sais ce que je peux faire ce que je veux mais je demande ce que tu veux. Toi", avec un regard interrogateur pour m'étudier, jusqu'à ce que je devienne transparent.

- A ton avis?

Je lui rends le baiser avec encore plus de fougue encore qui rattraperait les jours de frustration et de manque à un eunuque en mutation.

Ma langue trouve la sienne dans une analyse d'un palais royal.

Emmanuelle a percé mes défenses de garçon. Je n'ai jamais rencontré de fille dont l'intensité de passion rivalise avec la mienne. La femme mexicaine est manifestement plus forte que les petites américaines qui ne se disent pas prudes. Le dresseur a été dressé.

Je la pousse contre le mur et met une cuisse entre les siennes en frottant mon sexe qui devient dur, contre son ventre.

Emmanuelle frotte son corps chaud et souple contre le mien comme une anguille.

Je sens que mon sexe enfle jusqu'à faire une bosse proéminence dans mon jean.

J'ai envie d'elle et cela aurait pu durer ainsi plusieurs minutes si elle ne lança pas un gémissement en disant avec le sourire.

- Attends, suis-moi. On ne vas pas faire cela ici. Tu n'auras pas une nuit d’hôtel en moins à payer, mais je te donnerai des compensations chez moi.

Plus question de reprendre la voiture pour retourner à mon hôtel et l'inviter pour le traditionnel dernier verre.

Elle l'a fait de manière implicite.

Ce soir, je sens que je vais avoir une nuit blanche à rêver à autre chose qu'une morgue avec des secrets qu'ils viennent de n'importe où dans le monde.


..

 

Chapitre 06: Le requiem des secrets

0.JPGMardi 22 mars 2017.

A 09:30, je me réveille encore fatigué.

Emmanuelle est endormie à côté de moi.

Je n'ai même pas eu le temps de regarder autour de moi.

Alors, je fais un tour rapide d'horizon des lieux.

Vue de l'intérieur, sa maisonnette semble plus étendue qu'elle ne parait de l'extérieur.

Un logis organisé par une femme seule, sans contraintes.

Contrairement à la maison de ma mère, rien n'est rangé parfaitement.

Tout est en désordre dans un désordre presque volontaire.

Je finis mon tour d'horizon en regardant du côté d'Emmanuelle.

Elle repose sur le ventre avec ses épaules dénudées qui émergent du drap de lit avec sa chevelure noir jais s'ébouriffant sur elles.

Elle est belle même sans bouger, sans ses yeux verts et sans paroles pour compléter le tableau.

Ai-je eu un coup de foudre pour elle, moi, qui n'ai jamais ressenti une telle situation avant cette nuit?

Fallait-il que je vienne au Mexique pour que cela m'arrive?

Puis, je reviens aux réalités de la journée.

L'enterrement de ma mère est prévu à 11 heures.

Je dois me presser pour me préparer. Me presser lentement tout de même.

Je tente de sortir du lit sans réveiller mon hôtesse.

Je n'y parviens pas. Elle s'étire et se met sur ses coudes, s'étire et me lance tout de go.

- Quelle nuit. Mémorable, non?

- Grâce à toi, tu es une experte dans les sciences de l'amour.

- Il ne semble pas que cela t'aie trop dérangé.

- Je connaissais quelques positions du Kamasutra mais, cette fois, j'ai fait mes classes à la mode mexicaine", dis-je pompeusement, sans réfléchir.

- Vanitatum omnia vanitas. On doit toujours pouvoir apprendre de la première minute à la dernière de sa vie. Dès que je t'ai rencontré, j'ai senti qu'un filtre amoureux pouvait exister entre nous. Quand j'ai senti une excroissance entre mes jambes, j'en ai eu la confirmation et j'ai eu les frissons de chaleur électrique qui me disaient que cela pouvait matcher entre nous. Tu as trouvé le bon rythme. Tout en douceur et profondeur. Tu es un beau coup, tu sais. Mais tu es encore un peu comme la chenille dans son cocon qui attend de passer au stade de papillon et cela, j'aime, dit-elle avec un rire non retenu.

- Mais tu m'as pris par surprise. Tu as été plus rapide que je le pensais et par là, tu m'as vraiment ravis.

- Les surprises sont toujours les meilleures. Non? J'ai connu un homme avant toi. Un chaud lapin qui n'avait pas ton humour et ta consistance. Tellement chaud lapin qu'il est parti un jour pour une autre. Séduire, emballer et puis partir, n'est-ce pas comme ça que les hommes pensent? Depuis, chez moi, on ne roule plus en décapotable. Si tu as envie, on peut remettre cela.

Les mots d'Emmanuelle me paraissent d'un naturel hors du commun. 

La journée commençait sous les meilleurs auspices, mais les contraintes sont toujours des priorités consenties.

- Une autre fois. Je dois me préparer pour l'enterrement de ma mère.

- Puis-je venir avec toi ?, demande-t-elle après quelques instants.

- Si tu veux. Reste encore un peu au lit. Je trouverai bien quelque chose pour me laver. Je prépare le café. Même si je ne suis pas chez moi, il doit bien en exister quelque part.

- Devant toi, dans l'armoire murale, dit-elle en pointant son doigt dans sa direction.

C'est décidément une journée spéciale pour moi.

J'avais déjà assisté à l'enterrement de mon père à la mode américaine.

Aujourd'hui, c'est celui de ma mère à la mode mexicaine.

- Je n'ai pas envie de me raser, ce matin", dis-je.

- Non, ne te rase pas. J'aime quand ta peau gratte sur la mienne. Cela te donne un caractère très masculin, très mâle, que j'aime. Tu as senti la rigueur du plâtre qui entoure ma jambe. Cela donne des idées spéciales, non? Je prépare le petit déjeuné. Sans béquilles, je sautille encore très bien.

- Je n'en doute pas la moindre seconde", dis-je avec un sourire en coin avant de poser une question stratégique.

- Sais-tu que je ne connais même pas ton âge.

- C'est inconvenant de poser cette question à une dame. Mon cher. Mais je vais faire une exception pour toi. J'ai 25 ans.

- Quatre ans de plus que moi. Je comprends ton expertise en certains domaines.

Une demi-heure après nous sommes prêts pour aller ensembles au cimetière.

Pas eu besoin de le repérer à l'aide du GPS de la voiture avec la voix enregistrée d'une dame aux accents électroniques.

Avec Emmanuelle, c'est de l'information en 3D avec les gestes qui varient de directions en permanence, en plus.

Un seul arrêt pour le magasin de fleurs sur la route. J'avais presque oublié que pour se rendre au cimetière, il faut des fleurs.

Nous l’atteignons après vingt minutes par de petites rues que le GPS aurait peut-être oublié de répertorier et de mentionner.

Probablement des gens du quartier qui ont connu ma mère, sont venus dans la plus stricte intimité.

Emmanuelle aurait-elle déjà prévenu quelques voisins ou est-ce les journaux locaux qui ont donné plus de précisions?

Un cercueil blanc est déjà placé sur un tréteau.

Rien de vraiment spécial si ce n'est un drapeau mexicain fixé à un drapeau américain sur sa face supérieur.

Qui a payé pour lui? J'ignore.

J'ai été pris de cours et une fois de plus, c'est oubli dont j'accuserais les reproches.

Est-ce la ville qui a organisé l'enterrement?

Le cercueil est descendu dans sa trappe.

La tristesse m'étreint et mes yeux suintent et les larmes s'écoulent sur mes joues.

Je sens à peine la main de Emmanuelle qui sert fortement la mienne.

Je n'ai pas eu le temps d'embrasser une dernière fois ma mère et cela me dérange, me pèse.

Mais qu'aurais-je pu faire de mieux?

Le reste de ce qu'il faut appeler une cérémonie va très vite. Un curé qui fait son sermon.

Une dizaine de minutes avant que les quelques personnes disparaissent l'une après l'autre.

Rien de glauque chez eux. Aucune pleureuse. Des sourires mêmes à mon égard, au moment de céder la place.

Je reste seul avec Emmanuelle devant le trou béant que des ouvriers commencent à boucher.

Nous quittons les lieux la main dans la main.

Après l'enterrement, je n'aurai plus beaucoup de temps pour suivre l'enquête avec mon père.

En fait, cet attentat, c'est son affaire, pas la mienne ou alors en deuxième ressort bien plus éloigné.

Je n'ai pas reçu l'enseignement pour être un expert en enquête comme il l'a été.

Je n'ai plus qu'une pensée qui me hante.

Voir mon père avant de partir et avoir avec lui l'explication entre hommes que je n'ai jamais eu.

Je reconduis Emmanuelle chez elle.

Je passe quelques minutes chez elle avant de me diriger vers le lieux de rendez-vous.

Elle me console comme elle peut.

Cette fois, je suis à l'heure au rendez-vous avec mon père à 13:00.

Mon père est déjà là à m'attendre à la même place que la dernière fois.

Je veux garer ma voiture de location à quelques distances.

Il arrête ma manœuvre et me fait signe qu'il veut monter à bord.

Pas d'autres signes pour ma rencontre avec lui.

Je suppose qu'il a surveillé les voitures qui me suivent. 

- Roule. Je t'indique le chemin. Nous allons dans un endroit tranquille où nous pourront discuter.

- Ok.

Moi au volant et lui, sur le siège du convoyeur, jetant plusieurs regards dans le rétroviseur comme au cinéma dans une course poursuite.

Quelques minutes après nous arrivons devant une petit café.

- Allons dans ce bistro, là, au coin de la rue. Nous pourrons mieux parler dans un coin que j'ai repéré, dit-il enfin en reprenant un rythme plus lent.

- Je te suis.

Le coin désigné est dans l'ombre à l'abri des regards et des bruits du café.

En quelques mots, je lui résume mes rencontres avec la police, à l'ambassade, à la morgue et l'enterrement de ce matin et lui montre les photos dans la morgue.

- Tu ne m'as pas vu, mais j'étais dans le cimetière dans une ou deux allées de là. Si tu savais combien j'aurais voulu être avec toi devant la tombe de ta mère. Quand tout le monde était parti, et que la fille et toi avaient quitté, j'ai approché et ai déposé des fleurs supplémentaires sur sa tombe. A mon avis, elle reposera au meilleur endroit, à proximité d'où elle est née. C'est moi qui ai payé le cercueil et les frais de déplacement à partir de la morgue. Bien sûr, comme dons d'un anonyme qui a connu ta mère.

A la vue des photos prises à la sauvette, une émotion forte se pointe sur son visage.

Un long moment de silence suit comme si c'était une minute de silence en commémoration à un drame. 

Je lance immédiatement mes premières questions pour ouvrir le débat avec lui.

- Comment est-il possible qu'un meurtre et qu'un enterrement ne font pas plus de bruit et que rien ne semble émouvoir ni la police, ni les gens", dis-je enfin.

- Nous ne sommes pas chez nous. Au Mexique, on ne passe pas nécessairement à la télé avec les témoins des scènes de crime. Ce n'est pas une hypothèse personnelle. C'est ta mère qui me l'a raconté sous cette forme. La forme, c'est le fond qui remonte à la surface, dit-on. Mais, la mort au Mexique fait plus partie de la vie que chez nous. Probablement une coutume religieuse qui provient des anciens Mayas. Il y a encore beaucoup de descendants de ce peuple qui a pourtant disparu, il y a plus de mille ans. Ce n’est pas la mort ou même l’enterrement qui suscite l’attention. Tout le pays vit avec la mort. Elle est partout. La mort peut être considérée comme un symbole du pays, comme un totem national.

- Je ne connais rien de leur histoire et de leurs mythes. Je n'ai appris que quelques bribes d'histoire à leur sujet à l'école sans vraiment m'y attacher.

- Tu devrais. C'est très instructif pour comprendre la vie ici. Je ne sais pas si c'est la seule explication. Un autre événement est identique dans la tradition. Lors de la Toussaint, les morts sont célébrés dans une véritable fête populaire pendant trois jours. Pour retrouver les ancêtres, on va au cimetière en famille. Les vivants apportent un festin sous formes d'offrandes. Ils mangent sur les tombes, chantent et dansent en compagnie des morts pour leur faire honneur. Les tombes ne sont pas plates comme chez nous. Elles sont blanches, variées, décorées de couleurs vives par les fleurs. Les rites Mayas ont la vie dure et longue dans ce pays.0.JPG

- Je ne comprends pas. On ne pleure pas les morts? On n'est pas triste? C'est vrai, je l'ai vu ce matin. Les couleurs des fleurs tranchent avec la tristesse de nos cimetières.

- On pleure les morts. Il y a peut-être autant de crainte de la mort que chez nous. Mais, le Mexicain raille la mort comme un amusement sans la cacher mais avec dédain et ironie. La mort est pensée comme une étape avant une renaissance. Le catholicisme se marie ici avec des habitudes païennes. Ces rites ressemblent à ceux des Égyptiens de l'antiquité au temps des Pharaons bien avant le catholicisme. La professeur d'université que je connaissais et que tu as rencontrée lors de ma recherche m'y a initié. Les cultes ancestraux dépassent les siècles. Mais, tu n'as pas le temps de comprendre tout cela en quelques jours.


- Il y a une question qui me brûle les lèvres depuis longtemps. Qu'est-ce que tu es allé faire dans les services secrets et lors ta dernière mission en Égypte? L'espionnage, n'est-ce pas le pire des jobs, un job de tarés? Tu es resté une énigme pour moi à ce sujet.

Le sourire de mon père en dit déjà long sur ce qu'il me répond.

- A la NSA, c'est plutôt du contre-espionnage dont on s'occupe avec la dénomination d'analystes. Mais évidemment, on passe aussi parfois par l'espionnage. En Égypte, j'y étais pour tenter de comprendre ce qui allait se passer avec les investissements étrangers et voir ce qui se passait après le coup d’État du militaire al-Sissi depuis qu'il est au pouvoir et élu président en 2014. Mes attributions étaient aussi de m'intéresser aux Russes qui avaient les mêmes attributions. Le contre-espionnage n'a pas un rôle de tricheur. Ne te laisse pas intoxiquer par les idées qui circulent sur la NSA et la CIA. Quelques lignes de détail font une réputations générale qui n'ont pas de réalité sur le terrain même si ce sont des machines du pouvoir.

- Pourtant je voyais très bien cela sous cet angle. J'ai des souvenirs des services secrets par les films de guerre.

- Mata Hari et compagnie, des espions qui organisaient la résistance en secret. D'autres plus récents pendant la guerre froide. Je connais, mais ce n'est plus ça. Nous sommes en temps de paix et rester secret est devenu presque impossible. Tout est devenu traçable dans notre monde connecté avec, en plus, les failles des outils technologiques de la modernité. Les photos par satellites montrent tous les espaces les plus sensibles via Google. Tout a changé. Avant, il y avait des règles fixées de commun accord par tous les partis. Le rapport de forces s'est délocalisé dans une cyberguerre surveillée par drones. Aujourd'hui, les gens sont géolocalisés, profilés à la suite de ce qu'ils disent sur Internet dans des graphes sociaux.

- Oui, mais cela a apporté aussi quelques amitiés qui n'auraient jamais existé sans ces réseaux sociaux même si Facebook est devenu un excellent agent de renseignement pour celui qui sait s'en servir.

- Exact. Personnellement, j'ai peur de me connecter et d'utiliser mon portable. Les sites d'investigations citoyens sont aux aguets pour ouvrir de nouvelles affaires qui auront un impact d'intérêts sur leurs lecteurs. La curiosité est devenue maladive. Qui est qui? Qui fait quoi? Des questions que les journalistes d'investigations aiment trouver des réponses.

- Je ne vois pas où ce problème de curiosité te gênerait.

- Par le fait qu'il faut changer de personnalité et de lieux de résidence comme tâches de sécurité essentielles pour rester transparent. L'anonymat est devenu très fragile. Les gens sont traqués comme des terroristes par le sommet de pyramides. Je peux te donner des noms au sujet des oligarques russes ou américains que l'on rencontre toujours à des endroits stratégiques.

- Mais tu aimes cela, sinon tu ne serais pas resté. Quitter, c'est ce que j'aurais fait à ta place, sans me retourner depuis le début. J'aime trop rire avec les copains pour rester à m'emmerder avec des secrets de polichinelles.

- Quitter ce genre de fonction, n'est pas aussi simple que tu le penses. On ne donne pas sa démission avec une signature au bas d'un contrat quand on veut quitter les services secrets. On la prend de force avec tous les risques que cela peut comporter.

- Tu l'as voulu, non? Tu es responsable de ce que tu as décidé.

- En effet. J'avoue que je me suis souvent posé la question pourquoi ai-je accepté de jouer ce rôle dont tu m'accuses aujourd'hui. Pourquoi n'ai-je pas pris congé avant que cela ne soit trop tard, une fois entré dans la Firme comme on l'appelait.

- C'est ça. As-tu une réponse à cela?

- Et toi, t'es-tu posé la question de savoir pourquoi les secrets et leurs détections peuvent intéresser tellement de monde au travers de ce qu'on appelle les nuages d'Internet et les réseaux sociaux? Les secrets intéressent tellement de monde. La guerre de l'info est passée par la cybernétique avec ses bons et ses mauvais côtés. Les gens surfent sur leurs angoisses puisque le vrai n'est pas assez excitant et se font pêcher par la pub ou par arnaqueurs. Le cinéma utilise ce filon avec beaucoup d'intérêt. Le patriotisme à la gloire du pays se propage avec une origine dont l'influence passe par la propagande. Puis, beaucoup de professions comme les médecins, les juges et autres ont une obligation de garder des secrets professionnels. Je ne parle même pas du curé et du confessionnal.

- Au Mexique, est-on mieux protégé que chez nous?

- Je ne peux te répondre. Au sujet de Cuba, je pourrais t'en dire plus. J'y ai passé quelques années pour étudier le régime castriste. Au Mexique, je n'y ai jamais été mandaté. Les services secrets mexicains ont probablement la drogue qui véhicule dans un esprit de condescendance parce que la population y trouve souvent son intérêt. Par ici, pas de "Drug Enforcement Administration" à l'américaine.  

- C'est vrai mais cela ne m'explique rien à ton sujet et au sujet de ce que tu as fais pendant ton absence alors que maman restait en Floride. Ton absence a été mal ressentie par elle et par moi-même dans mon adolescence. Je profite de cette première entrevue avec toi pour te le dire. J'ai rarement ressenti que j'avais un véritable père auquel je pouvais me confier. C'est maman qui jouait un double rôle d'éducation parentale. C'est même grand-père qui m'a présenté l'option militaire pour faire mon éducation d'homme. Toi, tu semblais t'en foutre de ce que je pouvais faire de ma vie.

Mon père blêmit à la suite de mes paroles qui le responsabilisaient.

- Je me suis rendu compte que j'ai été un père absent mais pas par conviction. J'ai été pris dans un tourbillon dans lequel je ne pouvais plus sortir. C'est une des raisons pour laquelle j'ai voulu cesser cet emploi à la NSA depuis l'année dernière. Une fois, qu'on passe par là, tu as appris des secrets d’État. Tu en sais toujours trop. C'est un job qu'on pratique jusqu'au bout et que l'on quitte avec les pieds devant. 

- Mais, finalement, tu as voulu quitter la NSA. Pourquoi?

- J'avais dit quand on s'est rencontré au Caire que c'était à cause de l'utilisation des drones dans la guerre moderne. Des mini-drones seront bientôt capables de voir au travers des murs et remplaceront les caméras de surveillances qui elles sont utiles. Le viol du privé sera de plus en plus courant. La raison de mon changement d'optique est donc les drones, mais il y a une série de petites raisons qui viennent s'y ajouter. 

- A quoi sert l'espionnage? Une question dont je connais quelques réponses comme de savoir ce qui se passe dans les autres camps pour les espions et comme de pour éviter que ces autres camps ne sachent pas trop du nôtre pour le contre-espionnage. Acquérir des informations et gagner du temps de recherches en somme.

- Oui. A la NSA, ce sont parfois des secrets qui ne peuvent entrer dans le pays pour ne pas le désorganiser par des propagande que cet autre essayerait de passer pour fausser le jeu. Tout le monde espionne pour avoir une avance sur d'autres. Chacun veut inventer le futur en fonction d'informations.

- Tu as des exemples de ratés?

- Le plus célèbre fut l'attentat du 11 septembre 2001. Les services secrets n'ont rien vu venir. La suite a été douloureuse pour eux. Il y a eu beaucoup des virés.

- Depuis comment la sécurité a évolué?

- Depuis 2013, dans le désert et les montagnes de Wassatch, l'Utah Data Center de la NSA à Bluffdale s'est ultra-sécurisés. Photos interdites même de loin. Leur mission est de dupliquer les data du net. C'est presque un État dans l’État. Même le Président semble innocent des agissements qui s'y déroulent sur le territoire. Les réponses aux questions de cette option offusquent les chefs d’États européens. Tout le monde espionne tout le monde.

- C'est un peu de la paranoïa, non?

- Pas du tout. La question principale reste à qui profite le "crime" et qu'en suivra-t-il? Le message général est qu'il faut prendre des précautions et relativiser Big Brother et les technologies ultra-modernes. Le "Cloud Security Alliance" est sensé résoudre le problème. Je dis bien "sensé".

- L'espionnage a toujours existé.4.JPG

- En effet. Il y a 2500 ans, Sun Zi ou Sun Tsu, son nom n'est pas très précis, faisait partie de la dynastie des Song. Il avait écrit un livre intitulé "L'art de la guerre" dans lequel, il expliquait les techniques pour gagner la guerre sans vraiment la faire.

- J'ai entendu son nom lors de mon enseignement.

- Cela ne m'étonne pas. Dans son livre, il y a un long chapitre réservé à l'espionnage. Pour lui, il y a cinq sortes d'espions: l'espion local qui provenait d'une personne du peuple, l'espion de l'intérieur qu'il désignait comme un fonctionnaire, l'espion retourné sacrifiable qui était racheté à l'ennemi et l'espion à demeure pour qui la subtilité était le point crucial de l'information qu'il ne pouvait ébruité non utilisée, non formatée, sous peine d'être passé par les armes.

- Il avait tout imaginer avant tout le monde, réponds-je avec un sourire au lèvre.

- Les espions étaient dignes d'une organisation divine en représentant le plus grand trésor pour un souverain. Nul secret n'est mieux gardé que celui que les espions détiennent déjà entre eux et encore plus vers l'extérieur. C'est une règle que j'ai très vite apprise. Tenir son moi sans rien en dire, bouche cousue.

- Être espion, je ne pourrais pas. Je suis beaucoup trop ouvert pour cela.

- Je ne t'ai pas beaucoup coudoyé mais je connaissais très bien ta manière de penser et le fait que tu étais extraverti. Introverti naturel, j'ai été formé pour apprendre à connaitre les secrets des gens. Toute la subtilité est dans le fait de les percer pour y déceler les renseignements de valeur utilisables.

- Cela doit être le plus difficile que de séparer le bon grain de l'ivraie.

- Sun Tsu avait pour les espions un très grands respect et connaissant cette difficulté, il les payait très cher pour exercer leurs fonctions d'espionnage.

- Dans l'histoire, qui ont utilisé ce livre?

- Mac Arthur et Mao Zetong avait fait de "L'art de la guerre", un livre de chevet.

- Je suppose que cela leur donne des idées pour gouverner le monde par la force.

- Gouverner, c'est prévoir et donc chercher à savoir d'un côté ou chercher à colmater les brèches de l'autre. Les secrets, cela commence au niveau le plus bas dans la société humaine. Toutes les familles sont de sociétés secrètes en elles-mêmes. Chacun se cache derrière de bonnes couvertures. On engage des inspecteurs privés pour découvrir une femme ou un mari trompé. De là, on peut arriver à l'idée de complots. 

Papa, ne répondait qu'à moitié à ma question en transitant par des entourloupes.

Je sentais que je ne percerais pas totalement le secret de sa vie.

J'essayais de détourner mes questions par sa vie d'avant, une nouvelle fois.

- Tu avais pourtant un autre job avant d'entrer dans les services secrets de la NSA. Pourquoi n'as-tu pas continué? Cela devait être un travail bien rémunéré et bien moins dangereux.

- Être à la tête d'une entreprise pour faire du commerce, ce n'est pas exempt de problèmes et de risques. La société commerciale dont je m'occupais, je la gérais avec un associé. J'avais senti que nous étions presque en faillite à cause de lui. Il n'avait pas compris quelques règles essentielles. J'ai résisté longtemps et puis, j'en ai eu marre. Je lui ai vendu toutes mes actions et je suis sorti de l'entreprise que j'avais créé, pour ne plus y revenir.

- N'était-ce pas une preuve de lâcheté? Ta société est-elle tombée en faillite?

- De lâcheté, tu y vas fort, là. Oui. J'ai appris par après que la faillite n'a pas attendu très longtemps. J'avais donc bien fait. Nous aurions dû vendre la maison, dans le cas contraire pour payer les dettes de la société.

- Puis tu es entré dans une nouvelle messe avec des prêcheurs de bonnes aventures..

- Désœuvré, j'ai répondu à une annonce anodine de l'armée. Bien après, j'ai été lancé dans la nature et été mis à l'épreuve dans de petites affaires sans importances stratégiques pour voir si je n'étais pas retournable par l'argent. J'ai appris à diluer les responsabilités en neutralisant les espions entre eux par un travail solitaire. Je ne sais pourquoi.

- Une envie de changer le monde?

- Peut-être.

- Tu ne t'es pas rendu compte que tu avais une famille que si tu te jetais dans la gueule du loup, découvert, tu aurais pu être exécuté comme espion? Et nous mettre en danger, séduit par l'espionnage?

- Oui. En fait, cela se termine souvent pas un échange d'espions. Avec l'espoir de trouver la bonne stratégie sécuritaire, sous le sigle MICE, Money, Ideology, Coercion & Ego comme nom de code, tout s'arrange. J'écrirai peut-être un jour ce que représente une vie d'espion comme d'autres l'ont fait.

- Et tu nous as laissé tombé.

- Là, tu te répètes. Dans notre famille, tu en sais quelque chose, non? Tu dois aussi posséder des gènes de militaires avec l'amour de la patrie "Proud to be American" dans des rêves de gosse qui subsistaient en arrière plan.

- As-tu un gène du patriotisme?

- C'est amusant, cette idée. Au fond, peut-être bien. Poser ma candidature sans être préparé à ce qui allait arriver, je l'ai assumé en subissant des tests sévères d'aptitudes. Garder les secrets était devenu la pierre d'achoppement et la raison sine qua non de mon engagement. Mon introversion naturelle a dû leur plaire. Ils m'ont sélectionné dans un service de la NSA sans me dire vraiment à quoi ils me destinaient en acceptant le point négatif que j'étais marié avec un fils à ma charge.

- Et cela t'a plu?

- Honnêtement, au départ, oui. J'aimais les voyages. Je voyais ce travail d'informateur comme celui d'un diplomate, d'un ambassadeur de la paix et pas comme un contributeur à la guerre. Les ambassades regorgent d'espions en puissance dans les pays avec l'étiquette d'avoir été envoyées pour apporter des liens de bienveillance entre deux pays.

- Je comprends. Depuis ton Sun Tsu et de ton passé, qu'est-ce qui a changé dans le monde en hommes de paix?, dis-je avec un sourire narquois.

2.JPG- C'est notre chevalier blanc, Trump, qui est entré dans l'arène à la Maison Blanche. Comme président, il a cassé les liens qui existaient avec les staffs du renseignement. Il n'a pas compris l’intérêt de dissocier le vrai du faux des infos. Il joue le rôle des fausses nouvelles avec lui-même. Il les invente quand elles ne correspondent pas à ce qu'il voudrait et dénigre le travail que nous avions en tant qu'espions professionnels. 

- Il manque de confiance? Il a éprouvé son pouvoir dans les relations commerciales.

- Quand on est dans une société commerciale, la confiance n'est pas de mise. Il a ressorti des théories du complot et présenter la corruption de ceux qui, d'après lui, ramassaient les fonds de tiroirs comme s'il ne l'avait pas fait bien avant sa présidence.

- C'est le travail d'équipe d'un manager...

- Un rôle qui lui était inconnu. Trump a commencé à faire le vide autour de lui en pensant gérer tout par lui-même. Il apporte toute sa famille à la Maison blanche. Le "Jarvanka" comme on a appelé le couple de Jared et de Ivanka se retrouve dans son petit monde de requins et de rémoras. Alors, Donald joue au Calimero.   

- Il n'est pas seul pour gouverner. Il avait nommé une équipe de choc pour le seconder.

- Ah, tu crois. C'est vrai cela en a l'air tant que ses collaborateurs du moment le servent et lui obéissent sans contestations, sinon ils les virent. Son éminence grise, Stephen Bannon l'a servi jusqu'en 2015. Classé parmi les 25 personnes les plus influentes par les médias d'information politique, cela devait l'intéresser. En plus, Bannon était membre du conseil d'administration de la société Cambridge Analytica dont les méthodes d'analyse et d'action ont dû jouer un rôle essentiel dans l'élection de Trump et lors du référendum du Brexit. Mais tout cela tu l'apprendras très vite dans le futur. On l'a très fort ressenti avant tout le monde.

- Tu penses que ce genre de scandale arrivera?

- Tout se tient, Steph. Il suffit de prendre suffisamment de recul avec le temps, de croiser les infos pour tester les influences par psychométrie et pour comprendre le futur qui en résulte.

- Tu as dû être drillé encore plus fortement que je ne l'ai jamais été en esprit de la discipline. Moi, c'est au niveau physique que j'arrive à aimer la discipline.

- Pour moi, la discipline, c'était au niveau psychologique quand tout devient secret. Ta mère et toi ont fait partie de ceux pour qui j'avais l'obligation de taire tout ce que je faisais. Si tu savais combien de fois, j'ai eu envie de vous parler de mes succès et de mes échecs. Je me suis senti piégé à l'avant et à l'arrière par Trump. En fin de parcours, quand j'en ai eu marre de la NSA, j'ai écrit tout cela à ta mère. Je racontais plus au sujet de l'histoire de la NSA mais je n'y dévoilais pas encore tout dans l'actualité.

- Quels étaient tes "contre-espionnés"?

2.JPG- En finale, le contre-espionnage des Russes faisaient partie de mes attributions. Si je parle l'espagnol, j'ai aussi appris le russe. Ce sont des réminiscences de la période de l'URSS et de la guerre froide qui nous ont rattrapés. Il nous fallait désinformer alors que souvent les présidents américains informaient trop, contrairement Poutine en Russie qui restait muet comme une taupe.  

- Qu'est-ce qui ne fonctionnait pas comme tu le désirais et t'avait incité à disparaître?

- Le nouvel ordre mondial de la trumpitude. L'allégeance qu'il espérait de tous, n'était pas remerciée. Son dédain pour les services officiels en désignant les autres comme des initiateurs de ses échecs, tandis qu'il s'attribuait les réussites.

- C'est pour cela que tu as voulu tout arrêter?

- Le manque de loyauté envers les subordonnés en suivant ses pulsions m'insupporte et ont initié ma volonté de changement. Aujourd'hui, je me sens libre de contraintes. Devenu zombie, je peux déchirer certains secrets trop scabreux dans la douleur de mes recueillements.

- Es-tu personnellement à caractériser comme belliqueux ou comme pacifiste?

- Pacifique mais pas pacifiste, je pensais te l'avoir dit. Je n'aime pas les armes. L'espionnage ne peut pas faire de bruit et les armes sans silencieux y sont prohibées. Tout doit rester le plus fermé possible sans faire de vague. En "stand alone".

- Mais l'armée prépare à la guerre.

- En effet, la maxime est toujours en vigueur. Comment mieux la préparer sinon en allant surveiller les agissements d'un adversaire potentiel en ne se faisant pas surprendre.

- Que pourrais-tu me dire en résumé de toutes ces années dans les services secrets, maintenant, que tu te dis libre de parler et plus tenu au secret.

- Je ne sais par où commencer. Il y a eu les années Obama avec une relation parfois dure avec Poutine. Mais, ce sont les années Donald Trump qui vont pousser à ma sortie en rendant le travail d'espionnage bien plus compliqué. Pendant les élections américaines, nous avons eu beaucoup plus de travail. Trump a brouillé les cartes. Trump a eu des liens avec des investisseurs russes ploutocratiques qui remonte à plus de 30 ans en tant que magnat de l'immobilier. 

- Comment considères-tu Poutine?

- Comme un fin stratège, un fin tacticien. C'est un espion de formation d'agent secret au KGB et ce n'est pas rien. Je suis passé par le même genre d'instruction. Tester ses opposants, c'est être en instruction permanente pour ce qui se fait de mieux quand on veut connaitre la psychologie d'adversaires. Taiseux, Poutine est bien plus malin que Trump qui dévoile son jeu à la galerie par des tweets. Ce que Poutine ne fait qu'au dernier moment quand il ne peut plus faire autrement. Sa tactique est habile et opportuniste même si ses objectifs stratégiques restent opaques. Il devrait être un joueur d'échecs hors pair et battrait l’impulsivité de Trump.

- Comment les services secrets voient cela?

- Mal. La CIA et la NSA en externe et le FBI en interne, allaient tourner à vide dans une sorte de cafouillage avec Trump comme président. Pas de vue en commun qui devait défendre une raison d'existence vis-à-vis de quelqu'un qui voulait dominer le monde seul après avoir éliminer toutes les dissidences d'où qu'elles viennent. Une méfiance s'est installée de parts et d'autres entre son staff et les services secrets.

- C'est ce qu'il fait avec les Américains et les Européens. Le manque de cohésion des États européens, doit le faire sourire.

- L'extrême-droite, souvent poussée par les gens du peuple, parvient à éliminer tout ce qui était trop démocratique eu égard des Droits de l'Homme français comme esprit occidental que Poutine déteste. Poutine a toujours eu l'envie de recréer l'URSS avec tous les États qui en ont fait partie et qui sait peut-être plus encore.

- Poutine, mener le monde? C'est déjà un pays immense avec la Sibérie.

- Le pouvoir, l'argent et le sexe forment un ménage concerté au niveau mondial. La fermeté distribue calomnies, les fausses vérités envoyés aux ennemis mais pas dans l'opacité en interne. Un certain Rykov qui a agit dans cet ombre glauque pour Poutine a d'abord construit sa richesse financière avec les affaires autour du sexe. L'espionnage lui a permis d'entrer dans la politique de Poutine pour arriver à ses fins.

- Trump tu le décrit comme un serial killer de son entourage.

- Tu verras, il le deviendra. Il va nous laisser des traces psychiques indélébiles dans notre histoire américaine avec une foule de virés dans son staff incapable d'accepter autre chose que ses propres vues à 100%.

- Il a dit "Amerca first" en rempart contre le commerce extérieur pour appâter ses électeurs. Trump est-il aussi un dictateur en puissance?

- Je ne suis pas très loin de le penser. Trump anti-commerce international derrière des frontières, quand on a des fonds étrangers un peu partout dans le monde, je n'y crois pas sinon pour casser les gêneurs sur son passage. S'il se lance un jour sur la voie du protectionnisme, comme son slogan pourrait le faire penser, il va créer une guerre commerciale sans précédent. Arme à double tranchant, la monnaie de cette pièce sera que le monde moderne va le lâcher.

- Et les autres pays alliés qu'ont-ils fait ou que feront-ils?

- N'as-tu pas commencé à le découvrir? Après l'arrivée de Trump à la Maison Blanche, a commencé le défilé des vassaux de l'Amérique pour prêter allégeance au suzerain du monde. Ce qui a plu à Trump. Depuis, il signe des décrets avec une signature digne d'un sismographe qui réagit aux moindres secousses sismiques à grand spectacle devant les médias. Décrets qui sont heureusement souvent cassés. Mais jusque quand?

- Et il finira par être aussi limogé...

- Pas sûr. Il faudra du temps. A mi-mandat ou à la fin du premier mandat de quatre ans. L'impeachment n'est pas dans les habitudes américaines. S'il a la technique en s'imposant par une stratégie délibérée d'échotiers du mensonge pour appuyer sa vision rocambolesque, tous ses électeurs ne le voient pas encore ainsi. Ils ont une confiance presque aveugle de trouver le job que Trump leur avait promis.

- Mais, il envoie aussi son vice-président, d'après ce que j'ai appris.

- Mike Pence est un ultra-conservateur religieux comme son ombre qui n'est guère mieux que lui. A Bruxelles, il était censée rassurer les Européens tandis que son patron continuait à parfaire son image de marque par des tweets compulsifs avec la promesse d'une hausse historique du budget. Pour l'armée en réponse au soutien de la NRA qu'il a reçu pendant son élection. C'est une évidence. 'The show must go on' avec Poutine en interface, mais peut-être pas sans Trump, Steph. Dans Saint Petersbourg, la ville natale de Poutine, il y a une 'Agence de Recherche d'Internet' qui est là pour faire trembler les médias par les manipulations comme raison d'être ou de ne pas être. Une période comme les élections, est une période bénie pour des organismes liées aux secrets.

- Même technique, alors?

- Quand les vérités et les mensonges s'entrechoquent du côté Trump, Poutine y a trouvé un fac-similé d'une marionnette riche et évoluée tandis que lui s'occupe de la corruption des autres, avec une force plus secrète. Bientôt, son 4ème mandat de 6 ans va s'ouvrir. Il a déjà court-circuité une fois la Constitution russe qui dans un chassé-croisé avec son collègue de fortune, Medvedev. Un jour, il changera la Constitution pour lui permettre de garder le pouvoir à vie. Les jeunes Russes aiment les dirigeants forts, musclés qui entretiennent leur corps comme représentant de l'image de leur politique. Le "Russia first" se trouve dans leur esprit, bien avant la version américaine.

- C'est la guerre de l'info, Est-Ouest?

- Une guerre mondiale de l'influence des informations sans fusils ni canons. La concurrente Hillary Clinton, plus capable politiquement que Trump, avait trop annoncé la couleur en désignant Poutine comme ennemi des intérêts de la nation américaine. Madame Clinton était une femme trop intuitive, plus amène de la politique donc dangereuse pour Poutine. Son côté "élite" lui a aussi desservi dans les classes laborieuses de l'Amérique profonde. Comme elle avait quelques casseroles aux pieds, cela lui a servi pour la charger et la radier en considérant Trump comme le meilleur adversaire à sa mesure qui fait ce qu'il dit, fantasmes compris. Tous les joueurs au tennis aiment jouer avec un adversaire au minimum de son niveau.

- Une guerre mondiale de l'information? Tu y vas fort là.

- Pas du tout. Les batailles rangées de l'information n'ont rien à voir avec une guerre traditionnelle. La machine russe utilise tout autant pour influencer l'extrême-droite. Rappelle-toi, Marine Le Pen a été invitée par Poutine au Kremlin. L'hostilité de Le Pen contre l'Union européenne a plu à Poutine. Pendant sa campagne électorale, Emmanuel Macron, européiste convaincu, a senti que Poutine était un cheval de Troie introduit avec la chaîne de télé 'Russia Today' en 2005 et de 'Spoutnik' comme site web en 2014. 

- Qu'est-ce que Macron pouvait faire pour contrer ces deux médias?

- Rien à part ne plus les accepter, ne plus les accrédités pour assister à ses meetings en les rendant 'personna non gratta', . Je me demande ce qui se passera si Macron est un jour face à Le Pen dans la dernière manche qui mettra l'esprit nationaliste des Français? Il y aurait deux perdants si Macron devient président, Marine et Poutine. Le nationalisme contre les migrants comme bouc-émissaire, est très porteur. La tradition, le patriotisme, l'ordre et le politiquement correct apportent une sorte d'intégrisme conservateur et adhèrent à l'idée de l'autorité, de la censure, de la délation qui grignotent la très chérie liberté d'expression qu'avait apporté les réseaux sociaux sur Internet. Le productivisme et le collectivisme se rejoignent dans leurs excès. La famille, une manière de vivre, permet seulement de calmer la peur aux gens comme seul rempart à la persuasion.

- Que devait faire Poutine puisqu'il était sous embargo après l'annexion de la Crimée? A qui les "crimes" profitent? comme tu disais. Aux Russes ou aux Américains?

- Aux deux. C'est un paradoxe dont l'Europe fait les frais. Pour Poutine, démanteler l'Union de la Communauté européenne pour la reconstruire à sa guise. Le Brexit en a été une première étape réussie en cassant le flux d'informations anglo-saxonnes. Casser le lien trop étroit entre la CE et les États-Unis.  Diviser pour régner, toujours la même chanson.

- Et, nous quel est notre intérêt américain dans ce jeu d'influences?

- Garder une antenne amie anglophone. Pour Trump, l'isolationnisme semble avoir sa préférence, mais c'est un intérêt de façade qu'il comble dans la 2ème Bourse à Londres après Wall-street.

Bien que cela m'intéresse, je sens que je suis parti dans un discours politique longtemps maintenu au fond de la gorge, devenue trop sèche, de mon père.

Il me parle de lui et de ses années comme si nous les avions passées ensemble entre barbouzes à jouer au flic ou au voyou comme un notaire qui sait qu'on ne peut jurer de rien.

Ce tourment politique ne me donnait pas toutes les réponses plus intimes à notre famille, mais serait-il encore capable de sortir du rituel de son passé?

N'y-a-t-il pas eu de discordances de vue entre ma mère et lui avec des disputes?

Je suppose qu'il ne m'en parlera jamais.

- Je t'écouterais pendant des heures, papa. Tu es un génie de la mémoire. Tu a connu évidemment un peu plus d'aspects dans l'ombre des politiques mondiales. Je ne connais pas cela. Entre copains, on dévie parfois vers des discussions politiques mais sans aller bien loin.

La permission que j'ai obtenue avait été accordée du bout des lèvres. Dans les heures qui viennent, je devrai rentrer à Penniscola. Puis-je encore te poser une dernière question totalement différente?

- Bien sûr.

- J'ai connu tes parents, mes grands-parents et surtout grand-père. Je n'ai pas connu les parents de ma mère. J'ai trouvé leurs photos dans une boîte à chaussures. Comment étaient-ils? J'étais trop jeune.

- J'ai beaucoup aimé ma belle-famille. Bien plus que mes propres parents. Très peu de temps après notre mariage et ta naissance, ils devaient passer chez nous pour te voir. Ils ne sont jamais arrivés. Put-être était-ils trop pressés. Ils ont rencontré un camion dont le chauffeur s'était endormi au volant. La collision a été très violente. Ils sont morts sur le coup.

Ne regrettes-tu rien de ta vie dans ce monde du secret? As-tu perdu tes sentiments familiaux?

- Un professionnel du renseignement n'est pas immunisé contre les sentiments privés et familiaux mais il se doit de les refouler en lui. J'étais jeune. Mon engagement était une association de mystères et de concours de circonstances sans aucun héroïsme de ma part. Je ne peux t'en dire beaucoup plus. Ta mère et moi avons quitté le Mexique sans jamais y retourner pour nous installer en Floride.

A moi de te poser une question. As-tu des plans de vie après ton enseignement à l'armée? Veux-tu faire carrière à l'armée?

- Non. J'ai l'intention d'ouvrir un complexe de sports. L'armée n'a été qu'une base de lancement pour ce genre de projet.

- Bonne idée. A Naples, cela devrait fonctionner. 

- Je ne sais pas encore où j'irais m'installer pour mon complexe de fitness. Ce n'est qu'au stade de projet.

- Et les filles, le mariage, les enfants, tu y penses? 

- Elles sont toutes les mêmes. Les filles s'intéressent à l'amour obsédant à espérer qu'elles se feront prendre sans entacher leur jupe bien plissée. Pour ce qui est des enfants, je verrai cela bien plus tard.

- Transposent les filles pour les aimer... Ne fais pas comme moi. Si aucune fille n'a pu t'émouvoir, c'est que tu n'es pas encore mûr. A ton âge, je pensais seulement fonder une famille. J'ai peut-être mis la charrette avant les bœufs. Je sais que ta mère aurait voulu te donner un frère ou une sœur.

- Tu as dû avoir un conflit avec toi-même dans le collimateur de ta critique quand tu es entré dans l'armée secrète.

- Tu as raison. Mais tu ne m'as pas répondu. Aucune fille ne t'a pris dans ses filets à te séduire?

- Je ne suis pas un "love adict", mais il y en a une qui récemment, m'a attiré. 

- Ah, et puis-je savoir?

- Ce n'est peut-être qu'une attirance passagère avec Emmanuelle Estamos, la voisine de ma mère. J'ai un faible pour les challenges et les aventures. Mais... je n'en dis pas plus. On verra.

Et toi, as-tu déjà découvert certaines choses depuis hier pour ce qui est le meurtre de maman et de ton ancien collègue?

- Pas encore. Je mettrai le temps qu'il faut. Ne t'en fais pas. Le "Sicario" qui a été engagé, je le retrouverai.  Ce n'est pas ton combat. C'est le mien en première ligne. Je te remercie d'avoir pris en charge toutes les opérations officielles. J'espère que quelqu'un réclamera le rapatriement du corps de Ted. Je ne connais pas grand chose de sa famille. Arriverais-je à remonter la filière jusqu'au commanditaire? J'ignore.

- Si tu savais à quel point j'ai attendu ces moments d'intimité entre nous.

- J'ai encore tellement de choses à te dire, moi qui n'en ai pas pris le temps pendant ton éducation. Je ne sais pas ce qui va se passer dans le futur, mais cela pourrait chavirer à des allures chaloupées. J'ai déchiré quelques secrets avec toi dans la douleur de la perte de ta mère que tu aimais certainement bien plus que je ne l'ai fait en tant qu'époux. Je n'aurais jamais dû être marié avant d'entrer aux services de la NSA. On me l'avait reproché. Je te tiendrai au courant. Retiens le mot "bastard". Ce mot m'amuse terriblement. Il te servira pour déchiffrer ce que je t'écrirai. Tu as dû apprendre le système classique de chiffrement à l'armée. Il te servira.

- Oui. Je me souviens. Je ne l'ai pas encore utilisé dans le monde de la réalité. Je le potasserai. Je te quitte papa. Contacte-moi, dès que tu as des nouvelles. Maman est dans la terre de ses ancêtres peut-être avec l'esprit des Mayas. Je prendrai contact avec un notaire une fois rentré à Pensacola. Mon avion de retour à Pensacola est planifié pour ce soir à 23 heures. Je peux encore le postposer si c'est nécessaire.

Sans lui dire, je pense faire autre chose des heures qui restent à profiter de ce Mexique dont je n'ai vu qu'une bribe et revoir Emmanuelle.

- Je me tiendrai à distance. Je te lègue la maison et tout ce que tu y trouveras. Je vais une nouvelle fois rentrer dans la clandestinité à la recherche de la raison pour laquelle nous avons été mis sous le tir groupé d'un tueur à gage. Des représailles de la NSA ou d'anciens opposants que j'ai eu sur mon passage. Ne reste pas ici. Tu pourrais devenir une nouvelle cible.

- Je n'en ai aucune intention. La vie, je veux la vivre comme je l'ai commencer.

- Qui sait. Toi, aussi tu pourrais un jour te rendre intoxiqué par ce que tu entreprendras en changeant ton extraversion naturelle. Aujourd'hui, tu penses ne pas pouvoir vivre sans copains autour de toi avec une impression de toujours manquer quelqu'un autour de toi pour rire et faire rire. Plus tard, tu auras besoin d'avoir une femme qui t'aimera. Ton Emmanuelle est une jolie fille vue de loin. Si ramage vaut le plumage, elle sera certainement un excellent choix. Tu as un excellent goût. Je t'embrasse. A bientôt.

- Toi aussi, tu as eu un excellent goût en choisissant maman. Au revoir, papa. J'attends de tes nouvelles.

Dans l'avion de retour, un journal local me rappelle que sous le soleil d'Acapulco, des choses non agréables se passent.

0.JPG


 

Emmanuelle est arrivée dans ma vie.

D'après mes dernières constatations, elle a beaucoup de points communs avec ma mère.

Fusionner son histoire avec celle de notre famille sans vouloir en faire un amalgame, est une éventualité que j'envisage.

J'aimerais oublier les ratés de ma jeunesse, mais je ne le peux pas.

Ma mère est restée ma préférée. Elle a su prendre mon destin d'adolescent avec philosophie en tentant de garder l'harmonie pendant l'absence de mon père.

Mais, je pense surtout à cette rencontre avec mon père qui a été profitable à lui et à moi..

J'ai appris un peu plus de ce qu'il avait dû endurer volontairement ou non dans son passé.

Entre mon père, ma mère et moi, c'était comme une triangulaire dont il manquait une branche pour en faire un triangle fermé.

Un jour peut-être, on ne refermera pas le triangle par une branche mais par deux branches parallèles.

..

Chapitre 07: Épilogue des secrets

0.JPGMercredi 22 mars,

3h, dans l'avion de retour.

Je ne parviens pas à dormir. Je rêve à la nuit précédente avec Emmanuelle. 

Le soir venu, j'avais repris la voiture pour me rendre une dernière fois à la petite maison mexicaine de ma mère avec l'envie surtout de retrouver Emmanuelle.

J'avais toujours ressenti qu'une attraction mutuelle entre nous existait toujours comme s'il y avait eu un aimant qui s'était produit en si peu de temps.

Nous en avons rigoler.

Cette nuit n'est plus partagée entre cauchemars et rêves avec alternativement un meurtre et une jeune femme qui vient le contrarier. 

Elle m'accompagne jusqu'à l'aéroport.

Je rends les clés de voiture à l'agence de location.

Avec ses béquilles pour revenir chez elle, cela doit être plus difficile et je le lui fais remarquer.

- Ne t'en fais pas, je trouverai bien un moyen pour revenir. Au Mexique, l'entraide n'est pas un vain mot. J'ai déjà demandé à un ancien copain de venir me rechercher.

Elle m'embrasse par un nouveau et dernier baiser fougueux avant de quitter.

Mon avion grimpe dans les airs.

Le crépuscule a terminé son œuvre depuis longtemps. 

Je regarde par le hublot, l'aéroport qui s'éloigne avec un pincement au cœur.

Tout n'est que lumières au dessus de la ville avec un mélange de culeurs.

Je ressens déjà des regrets de quitter le Mexique.

Regrets dont je n'aurais jamais pensé avoir avant d'y mettre les pieds.

Quant aux secrets familiaux qui avaient jalonnés nos vies, j'étais presque sûr qu'ils ne seraient pas tous déchirés complètement et qu'il y aurait une suite.

Le temps efface toujours tout par son passage inattendu mais rebondit là où on ne l'attend pas.

Savons-nous d'ailleurs toujours tout de chacun et de ce qu'ils feront demain, dans un mois, dans un an?

Mon escapade au Mexique est terminée dans les temps impartis par ce colonel qui me l'avait accordée à Pensacola.

Puis, la vie d'étudiant militaire recommence après cette parenthèse mexicaine.

Pendant trois semaines, je ne reçus aucune nouvelle.

Puis, un jour est arrivée un email sans nom, sans adresse de retour.

Illisible sans un traducteur.

A l'aide du mot "bastard" dont je me souviens et de la règle de chiffrement que j'avais potassé et testé, je parviens à la traduire.

Là, tout devient clair.

L'email traduit est signée "sterces".

Le mot "secret" en verlan.

- Cher Steph,

Je me suis totalement gouré sur toute la ligne.

Trompé par mes habitudes.

En visant le service à la NSA, tout d'abord.

Puis, comme je ne trouvais rien de ce côté, je me suis penché vers la Russie et mes anciens ennemis idéologiques pour trouver les commanditaires des meurtres que tu connais.

Ce n'était pas cela non plus.

Là, j'arrivais à une impasse. Mon enquête partait en couille.

J'avais utilisé tous les artifices de l'espionnite pour remonter aux sources.

Puis, j'ai eu un contact avec quelqu'un qui connaissait le nom de ta mère qui m'a ouvert une nouvelle voie dans mon enquête.

Tout se sait au Mexique.

Ta mère était la cible. Ni Ted ni moi-même.

La visite de Ted n'était qu'une coïncidence.

Ta mère a eu une autre vie avant moi.

Ce n'était pas vraiment un contrat contre ta mère.

Elle avait eu un amant mexicain avant que je la connaisse et qu'elle avait éconduit.

Elle m'avait caché cela quand je l'ai connu.

Elle était donc impliquée par une voie parallèle en deuxième ligne.

J'avais presque oublié qu'avant moi, elle avait eu sa propre famille, sa propre existence au Mexique et un nom "Lopez" qu'elle avait à porter.

J'ai consulté les boîtes à chaussures qui contenaient des photos comme tu as dû le faire avant moi.

Quand j'ai connu ta mère, ce fut un coup de foudre entre nous et le passé a été enterré trop vite en laissant des malentendus derrière elle.

Je ne me suis jamais intéressé à son passé. Ce fut une erreur.

Nous nous sommes mariés très rapidement et après avoir trouvé une villa à Naples, nous avons décidé de nous y installer comme s'il s'agissait d'un voyage de noce après lequel on ne revient pas. Elle avait eu un amoureux transi.

Pendant toute une nuit, je suis retourné dans sa maison.

J'ai trouvé les boîtes à chaussures dont tu m'as parlé et qui contenaient des témoins de cette époque. J'ai cherché plus avant que tu n'as pu le faire.

Une lettre de rupture envoyée à un prétendant délaissé par ta mère s'y trouvait en plus de photos d'époque.

Elle m'apprenait qu'elle avait été violentée par lui.  

Ce fut un homme que l'on disait violent et qui n'acceptait pas d'être débouté même avec le temps qui s'était écoulé.

"Je te retrouverai", finissait-il par lui dire avant sa signature.

Il attendait sa vengeance ou sa revanche contre elle.

L'histoire nous a rattrapé. Te rends-tu compte qu'après 22 ans, les souvenirs peuvent devenir une obsession maladive au point d'assassiner celle qui a rompu ce genre de lien de jeunesse?

Des voisins de la maison de ta mère m'ont appris qu'elle avait reçu plusieurs fois la visite d'un homme avant que je n'arrive au Mexique. 

Ces gens observateurs m'ont fait penser à une autre vie de ta mère.

Récemment, il est revenu une dernière fois, cet amoureux transi lui a rendu visite pendant que j'y étais.

Il a retrouvé la trace de ta mère un peu par hasard.

En vingt ans, il est devenu un parrain d'un cartel de la drogue et avait toutes les armes à sa disposition comme mafieux.

Il avait dû apprendre qu'elle était veuve et il espérait renouer ses souvenirs avec elle.

Ta mère a dû, une nouvelle fois, repousser sèchement ses avances lors de sa dernière visite pour ressouder ses liens avec elle.

Son refus a été considéré par lui comme un affront personnel. 

Comme je ne venais pas tous les jours voir ta mère, je n'ai pas eu vent de cette entrevue et ta mère comme je la connais, ne m'en avait rien dit pour la minimiser et ne pas m'effrayer.

Comme ce mafieux ne parvenait pas à atteindre ta mère sentimentalement et que très casanière, celle-ci ne sortait pas souvent, elle est devenue sa cible. Il a engagé un tueur à gage qui, avec une photo en reconnaissance, s'est mis en faction à l'attendre. Pour ne laisser aucun témoin, celui-ci n'a pas fait dans le détail. Ce furent trois cibles pour le prix d'une.

Il n'a pas attendu qu'elle soit seule.

Dans cette partie du Mexique, dans ce milieu de la drogue, on tue pour trois fois rien.

Cela devait être une petite frappe prêt à tout pour quelques dollars.

Je n'ai pas mis longtemps à chercher pour le retrouver.

Je l'ai obligé à me donner le nom de son commanditaire avant de le descendre d'une balle dans la nuque. Il connaissait les risques du métier avec la mort au bout du chemin.

Mais c'était le commanditaire et pas l'exécuteur qui m'intéressait.

Mon copain et moi-même sont devenus deux nouvelles cibles à abattre au même prix.

La suite, tu la connais.

J'ai lu quelque part que cette année 2017, on dénombrait déjà près de cinq milles tués par balles dans le pays et nous ne sommes qu'au quart de l'année. Les politiciens, eux-mêmes, ont peur de se retrouver sans escorte armée.

Bodyguard est une profession payée à la hauteur des risques encourus.

Les violences et la corruption vont de pair et minent le pays.

Dans un an, en juillet 2018, il y aura une nouvelle élection présidentielle.

Sur fond de rejet du gouvernement et des partis traditionnels.
La soif de changement des Mexicains profite à l’opposition mais personne ne semble optimiste. 
Mais je reviens à notre histoire.

Je n'ai pas souvent utilisé mon Walther P38 semi-automatique que ma discrétion d'espion m'interdisait. Mais cette fois, je n'étais plus espion. J'avais une autre mission plus personnelle.

Je l'ai recherché et je l'ai retrouvé au moment où il n'était pas entouré par sa garde particulière.

Il a avoué son crime parmi tant d'autres.

Il ne méritait plus de vivre avec un tel parcours de criminel.

Je le lui ai fait payer.

Si un tueur à gage ne laisse pas de témoins de son forfait, son "effaceur personnel" n'a pas plus de scrupules.

Serait-ce la loi du Talion? Non quand Ted et moi qu'il ne connaissait pas, ont fait partie de son assassinat sans distinction, je ne faisais office que d'une justice par contumace.

Voilà, tu connais la fin de cette enquête.

L'histoire de notre famille peut encore renaître avec les souvenirs comme un nouveau ciment.

Il nous faut construire ce futur à la mesure des erreurs du passé après avoir puni ceux qui l'ont fait déraillé.

J'ai appris que tu avais lié des liens amoureux avec la voisine Emmanuelle Estamos.

Elle a l'air d'être une fille charmante dont je ferais une belle-fille avec le plus grand plaisir.

Ta mère n'existant plus, je ne pense pas que je resterai à Acapulco.

Pour le tueur et ses commanditaires, je dois encore être resté sur une liste noire de tueur potentiel en représailles. Je dois m'enfuire du Mexique et des Etats Unis.

J'ai lu récemment "Héritage des espions" qu'avait écrit l'ancien espion, John le Carré. Il disait être entré en 1950 dans la société secrète alors qu'il était à la dérive pour recevoir une protection d'un monde secret avec un sentiment de supériorité comme si c'était faire partie d'une loge maçonnique.

Ce fut un peu comme moi, mais je n'étais pas fait pour cela comme lui. Je faisais déjà partie d'une autre génération que la sienne.

Après coup, comme pour lui, un héritage de la sorte est toujours une maigre consolation d'un choix que l'on renie en fin de parcours dans ses principes.

Les droits de l'homme, les droits d'avoir une vie secrète que l'on ne partage pas avec tout le monde, dans le fond, ce sont des conneries qu'en France et en Europe, on pousse en avant comme des droits que l'on ne peut dissocier. En Amérique, on le peut et on le doit avec la nostalgie d'être "Proud to be American"

John le Carré a travaillé dans les services secrets anglais qu'il appelait "Le Cirque".

Moi, ce fut dans "La Firme" à la sauce yankee.

Je l'ai donc quitté avec un nouveau pseudonyme de "John le Revival".

Des opérations qui furent sa gloire, n'étaient déjà plus les miennes. Elles ont été renouvelées par ma génération qui n'avait que faire des luttes menées jadis par les Occidentaux contre le bloc communiste sur l'autel de l'intérêt général.

Il a quitté le service en 1964, terrifié par la vérité.

Partager les visions libérales de l'Occident et les imposer au bloc de l'Est n'était pas pour lui la meilleure des opportunités pour le peuple russe. Celui-ci n'était pas prêt à vivre dans la jungle du monde libéral en sortant du zoo dans lequel il vivait.

Ma génération a vu l’avènement d'une nouvelle scission de cette population avec ses oligarques qui donnaient l'impression de remettre la Russie sur le chemin d'une gloire perdue avec Poutine comme leader suprème.

Tout a changé. Désormais, tout ne se déroule plus sur le planché des vaches mais dans les nuages avec des outils modernes plus efficaces et donc plus dangereux.

Je ne pense plus jamais sur papier devant une feuille blanche comme John le Carré, mais penché sur une machine en rassemblant quelques notes prisent au vol et en triturant les idées sans ratures avec un traitement de texte.

Contre tout attente en contradiction avec ses prédécesseurs, Donald Trump a fait virer les objectifs en incitant au nationalisme pour justifier l'autocratie en Russie.

Ce n'est pas plus sécurisant pour autant.

Cela peut retourner à la guerre chaude, économique celle-là, relançant une nouvelle génération d'espions plus dure encore. Peut-être que cette génération n'écrira plus mais casera ses idées de manière indélébile dans une mémoire d'ordinateur avec la protection de mots de passe à plusieurs chiffres, lettres et caractères spéciaux. 

Mais ce sera sans moi.

Je te tiendrai au courant dès que j'aurai retrouvé un espace de vie plus paisible, moins stressant.

Qui sait, j'écrirai peut-être comme lui quelques épopées de ma vie passée d'espion.

Mais pour l'instant, je n'espère que d'une chose: être invité à ton mariage prochain.

Et qui sait, peut-être que l'on se retrouvera dans une autre vie au même lieu avec ta propre nouvelle génération.

Je t'embrasse.

A très bientôt...

Sterces,   

Je reste rêveur après la lecture de l'email de mon père. Il a dû transiter par plusieurs serveurs pour se perdre dans ces nuages de la virtualité.

Mon père deviendra-t-il le père et le beau-père fidèle qu'il n'a jamais été dans cette deuxième vie?

Une autre vie, c'est exactement ce que j'imaginais pour moi aussi.

Je me regarde dans le miroir de ma chambre.

J'ai des traits mexicains avec une peau légèrement ombragée par le soleil avec des traits mexicains de ma mère, mais j'ai aussi les yeux bleus d'un père américain.

Un instant, j'ai pensé que j'aurais pu être le fils de cet ignoble individu qui a troublé la vie de ma mère et qui y a mis une terme.

Non, question de timing, c'était impossible.

Je suis né plus d'un an après le mariage de mes parents alors qu'ils étaient installés déjà à Naples.

Je viens de réussir mon examen de sous-lieutenant.

A cette occasion, une fête a été organisée pour la fin des cours militaires.

Immédiatement après, j'ai donné ma démission de l'armée.

De l'armée, j'en avais dépassé un cap de non-retour.

Dans le civil, ce diplôme militaire est reconnu à sa juste valeur sans aucune différence.

Mon projet de m'installer à mon compte et ouvrir un salon de sports et de soins du corps commençait à se dessiner dans ma tête.

La banque m'avait laissé une bonne impression pour m'accorder un prêt pour m'installer dans cette fonction.

Je ne sais si cela marchera mais cela correspondrait aux challenges dont mon père m'en avait laissé le goût. 

Pour entamer une nouvelle vie, j'avais pensé rejoindre Emmanuelle et l'installer à Acapulco plutôt qu'en Floride.

Après ce que j'ai lu dans cette lettre de mon père, il n'en était plus question.

Cet amant éconduit d'une autre époque ancienne pouvait aussi revivre sous une autre forme et revenir pour la revendiquer d'effectuer une nouvelle vendetta. 

Je ne sais si Emmanuelle voudra de moi dans cette vie là partagée à la mienne, mais j'ai comme l'impression qu'un courant tellement positif s'était révélé suffisant entre elle et moi qu'elle ne devrait pas résister très longtemps.

D'autres affinités de successeurs pourraient se révéler encore...


Il ne me suffit que de le lui demander.

Je prends mon portable et je commence à écrire à son attention à l'adresse email qu'elle m'a donné.

Chère Emmanuelle,

  J'ai beaucoup pensé à toi, depuis ces quatre jours pendant lesquels nous nous sommes rencontrés. Ils ont plus été une course qu'une conquête amoureuse.

  Je ne t'ai pas tout raconter dans le restaurant quand nous nous sommes parlés pendant ces quatre jours.

  Tellement de choses à se raconter que l'on n'aurait pas pu se dire dans le temps imparti et planifié.

  Notre famille a quelques petits secrets que détenaient en partie, mon père.

  J'ai terminé mon enseignement à l'armée.

  Je la quitte avec un nouveau projet: ouvrir une salle de sport.

  Tu m'as raconté que tu es kinésithérapeute. Une profession qui pourrait très bien s'accommoder avec mon projet.

  Ne sommes-nous pas complémentaire?

  Ton anglais n'est pas parfait comme l'était mon espagnol.

  Ce n'est pas encore une demande en mariage que je te propose, mais une association pour mieux se connaître.

  Une sorte de fiançailles à durée flexible.

  Si tu es d'accord, tu n'auras qu'à répondre "Ok" et je viendrai te chercher pour te faire connaître la Floride comme mon père l'a fait avec ma mère.

  Yo te quiero, Emmanuelle.

Steph,

Une heure après, je recevais une réponse laconique.

- Ok

Les générations se suivent, répètent leur histoire parfois dans une continuation inattendue.

 

FIN

 

Infiltrée chez les terroristes par la CIA
Née en 1980 à New York, Amaryllis Fox semblait prédestinée à devenir agent de la CIA. Elle passe sa jeunesse en Angleterre, en Afrique et en Indonésie. À l'âge de 8 ans, elle perd un ami dans l’attentat du vol Pan Am 103 à Lockerbie, en Écosse. À 19 ans, elle se rend dans un camp de réfugiés en Thaïlande, expérience durant laquelle elle interviewe clandestinement Aung San Suu Kyi. Lorsqu’en 2002, le journaliste Daniel Pearl est kidnappé puis décapité par des membres d’al-Qaïda, elle décide de postuler au master en conflits et terrorisme de la School of Foreign Service de l'Université de Georgetown. Et à 22 ans, plus tôt que l’âge minimum requis, elle intègre le célèbre centre d’entraînement des officiers opérationnels de la CIA, « la Ferme ». Amaryllis Fox revient sur son incroyable parcours dans son livre « Undercover : Avoir vingt ans à la CIA » (chez JC Lattès)
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Commentaires

  • Dans le volet 3 ..c’est tout de même bien le fils de son père tout dans la retenue !
    Mais on sent du potentiel…..
    Dans le titre , il y a le mot « déchirure » …..çà c’est violent et çà laisse des séquelles.
    Laisse le sortir tout ce qu’il a dans les tripes et laisse sa bienséance au vestiaire !

    Dans le volet 4, enfin quelqu’un qui a des besoins et des sentiments.
    Ouf…..on revient dans le monde réel ou il est si bon de s’abandonner !

  • Comme en tout, même quand il y a des potentiels, il faut des incitants pour passer à l'action. :-))
    Ici, c'est Steph qui a été pris au dépourvu.
    On peut avoir des tripes, sans bienséance et des sentiments amoureux.

  • A part çà , les secrets sont déchirés et finalement le responsable n’est ( en théorie) pas si responsable que çà ……en tout cas pas de sa mort !
    John est responsable de l’avoir délaissée , de ne pas l’avoir aimé passionnément , de lui avoir menti et de plein d’autres choses tout aussi cruelles que la mort !
    Carla, cette pauvre femme aurait mieux fait de rester avec le précédent qui lui avait au moins des sentiments même si c’était de la vengeance.
    Rien de pire que l’indifférence et la résignation.
    Le fils, Steph, est parti sur la même lancée quand il parle « « d’association « et de » complémentarité »
    Lui dire « viens , j’ai besoin de toi » aurait été plus intéressant !!!

  • Bonne conclusion.
    Mais quand la violence est du parcours pour la jeune Carla, cela ne présageait pas d'une suite heureuse.
    John a regretté sa vie loin de la maison et pensait la corriger.
    Les regrets sont souvent dépassés par les corrections.

  • La relation n'a jamais été aussi tendue entre Donald Trump et ses services de renseignement

    Il ne les écoute pas, ne semble pas faire de hiérarchie entre ses sources et prend des décisions sans même les prévenir: la relation n'a jamais été aussi distendue, si ce n'est franchement tendue, entre le président américain Donald Trump et ses services de renseignement.
    Les exemples d'affronts du président à ses services sont légion. En mai, il avait annoncé l'ouverture de dossiers classifiés sur la Russie pour se défendre contre les accusations de collusion avec Moscou lors de la campagne électorale de 2016.
    Peu après, il annonçait le départ de Dan Coats, directeur du National Intelligence, qui chapeaute les services américains du renseignement, et proposait à la place le très républicain John Ratcliffe, connu pour ses saillies conspirationnistes sur Fox News, la chaîne préférée du président.
    Ratcliffe a renoncé face à l'opposition féroce contre sa candidature. Mais Susan Gordon, adjointe de M. Coats et qui briguait le poste suprême, est restée à quai. Elle s'est épanchée début décembre, raillant le premier président de l'Histoire "qui n'ait aucun cadre ni fondement pour comprendre les limites du renseignement". Et de citer une de ses réponses classiques aux briefings: "Je ne vous crois pas".

    Fox et ses copains
    Confirmation d'un ancien analyste de la CIA devenu politologue: "Quand j'étais à la CIA, le gros truc était d'avoir un papier dans le briefing présidentiel quotidien. C'était de l'or, professionnellement parlant", se souvient celui qui a servi sous George W. Bush et Barack Obama.
    "Je savais que les deux prenaient ça extrêmement au sérieux", ajoute-t-il. "Maintenant, j'ai vraiment l'impression (...) qu'il prend son briefing sur Fox et avec ses copains".
    Certes, Mike Pompeo, l'actuel patron de la diplomatie américaine, était son premier chef de la CIA et s'est imposé comme un cadre majeur de son administration. Il se rendait à l'époque régulièrement à la Maison Blanche, pour des briefings que Donald Trump appréciait.
    Mais le président compte jusqu'au FBI, la police fédérale, parmi ses adversaires: c'est elle qui a ouvert l'enquête russe. Et Trump s'en est encore pris la semaine dernière à Christopher Wray, qu'il a pourtant lui-même nommé à la tête du FBI, estimant qu'il ne réussirait "jamais à mettre de l'ordre" dans ses services.
    Evidemment, le dédain fait son effet. Fin 2018, son secrétaire à la défense, le général James Mattis, avait démissionné en arguant notamment de son désaccord avec M. Trump sur la Syrie. Il a ensuite été qualifié de "général le plus surestimé au monde". L'ensemble du renseignement et des militaires se sont sentis insultés.
    Les services travaillent sur "ce qu'ils pensent être leurs plus grosses inquiétudes et comment y répondre et ils sont complètement ignorés", souffle Brian Perkins, ancien analyste de la marine aujourd'hui chercheur à la Fondation Jamestown.
    De nombreux cadres du renseignement sont partis dans le privé, ajoute-t-il, effarés en particulier par "les frustrations auxquelles a été confronté Mattis, incapable de se faire entendre par Donald Trump sur la Syrie ou l'Afghanistan. Le renseignement est censé être objectif mais si les choses ne sont pas écoutées avec un peu d'ouverture d'esprit, à quoi ça sert?"

    Problème rhétorique
    En janvier, le président avait traité de "naïfs" ses responsables du renseignement, en leur conseillant de "retourner à l'école". Puis il avait assuré être en accord avec eux sur les grands dossiers. Plus récemment, lorsque Donald Trump a décidé de lâcher les Kurdes en laissant le champ libre à l'attaque turque en Syrie, le désarroi fut total. Outre qu'il torpillait une alliance majeure, il renforçait la position des Russes dans la région.
    Dans la lutte contre le terrorisme, où chacun souligne l'importance vitale du partage des informations entre puissances, ses coups de sang font des dégâts. "C'est plus difficile politiquement de coopérer avec les Etats-Unis", note Daniel Byman, spécialiste de l'antiterrorisme à l'université Georgetown de Washington.
    "Et il y a un problème rhétorique. Une partie de l'objectif est de convaincre les musulmans dans le monde qu'ils peuvent vivre leur vie et sont les bienvenus, où qu'ils soient. Et Trump renforce l'idée selon lequel l'Ouest est en guerre avec l'Islam". Et le chercheur d'ajouter: "Ce sont là certaines des raisons pour lesquelles on sait qu'ignorer ses conseillers est dangereux".
    La période électorale et la polarisation extrême de la politique américaine aggravent encore les inquiétudes. Reste le fonctionnement d'institutions solides.
    "Le renseignement peut toujours influencer des décideurs politiques majeurs. Le président n'a jamais été le seul consommateur du renseignement", tente de relativiser Seth Jones, un ancien militaire qui a notamment servi en Afghanistan, devenu aujourd'hui expert en contre-terrorisme au Centre pour les études stratégiques internationales (CSIS).
    "Il est toujours important de collecter et d'analyser l'information, et les Etats-Unis sont toujours impliqués dans beaucoup d'opérations qui ne nécessitent pas une autorisation présidentielle".

    https://www.lalibre.be/international/amerique/la-relation-n-a-jamais-ete-aussi-tendue-entre-donald-trump-et-ses-services-de-renseignement-5df71c019978e272f976dc80

  • La vie militaire aux Etats Unis
    https://www.rtbf.be/auvio/detail_un-monde-a-part?id=2928169

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