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Epopée surréaliste de Magritte aux Canaries

Année 2021 : Epopée surréaliste de Magritte aux Canaries
Année 2023 : Odyssée bissée par surréalisme

2021 : Epopée surréaliste aux Canaries

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Préparation des vacances

Janvier 2021 : Pour le couple Magritte, c'est le moment de penser et de réserver leurs vacances. Pour eux, réserver tôt permet de réserver les meilleures places dans les hôtels.

2.PNGEn 2020, leurs vacances sont tombées à l'eau à cause du Covid. Cette fois, ils veulent vraiment partir en vacances.

René et Germaine ont tous deux atteint l'âge de la retraite. René a 65 ans et Germaine quelques mois de moins.

Grâce ou à cause du Covid, ils ont pu épargner sur leur budget vacances. René à vendu quelques œuvres récentes et cela a mis du beurre dans les épinards. 

Les vagues de Covid sont montées sur la courbe des hospitalisations avant de se calmer.

Le couple préfère toujours la mer sans ce genre de vagues.

Tous deux ont été vaccinés mais ils prennent toujours des précautions. Dans la rue des Mimosas où ils habitent, beaucoup de petits vieux sont entrés dans des maisons de repos et en sont ressortis les pieds devant. Ils n'ont nulle envie d'arriver dans leur sillage sans avoir profité de la vie.

Georgette regarde les brochures touristiques.

- Les brochures de vacances sont arrivées depuis un mois. Elles arrivent d'ailleurs de plus en plus tôt, lance Georgette.

0.PNGElle doit tenir compte des expositions que René à toujours lors de la reprise des activités après les grandes vacances de juillet et août.

- Nous sommes entrés dans l'ère de l'urgence chronique. On ne rend plus le temps au temps. On prend des décisions sans réfléchir. Tout s'écrit sous forme de tweets. Tu connais cela un peu avec tes amis, ma Georgette", répond René en arrivant derrière elle.

- Trêve de badinage, l'enregistrement des vacances de septembre doit se faire assez tôt à l'agence de voyage. Dans tous les endroits de vacances, le rouge est mis même à Bruxelles. Partir ou rester c'est donc kif kif.. Tu es un pantouflard, très conventionnel et même prévisible malgré ton imagination fébrile sur tes tableaux. A notre âge, il faut penser à nous. Nous sommes obsolètes pour les jeunes qui apprennent plus vite en voyageant que nous l'avons fait à leur âge, mon René. 

Comme René ne répond pas, elle revient avec ce qu'elle a entendu à la radio le matin.

- Les entrepreneurs ont ressenti un nouvel élan dans leurs affaires pour relancer l'économie. Cette reprise de croissance a fait remonter les activités au niveau de ceux de 2019. Les prix de l'énergie ont suivi et cela inquiète plus Georgette dans leur grande maison de la rue des Mimosas qui consomme beaucoup d'énergie. Chauffer notre grande maison coûte de plus en plus cher. Je veux effacer cette année 2020 de merde. Les vacances sont une période pendant laquelle on est censé tout oublier. Une parenthèse pour vivre des fantasmes différents pour concrétiser la fable du vacancier bien heureux avec sa logique particulière.

- D'accord, je suis un vieux crouton adversaire de tous ces trucs de notre modernité mais ce n'est pas moi qui suis malade. C'est la société modernisée. Il nous faut la remettre d'aplomb par l'amour, l'amitié, et la persuasion. En 2020, la Terre a eu un répit par un ralentissement des activités à cause du Covid. Cette année, c'est le rebond et du "toujours plus" qui revient en cheval de bataille. A rechercher à être toujours le premier en tout, on finit par perdre le Nord. L'être humain est le seul être vivant qui ne parvient pas à se réguler par lui-même. Il lui faut des crises pour que rétroactivement, il réagisse. Le commerce et le pognon pour seules attractions avec la corruption en retour de flamme. Être dépendant des aléas, est-ce cela que tu appelles faire partie du progrès ? Tu as raison, je suis peut-être prévisible mais notre monde est bien plus en manque d'imagination.

Georgette n'a pas l'intention d'ouvrir une nouvelle polémique sur le sujet du progrès et du conservatisme. Elle connaît parfaitement les idées de René.

René est un pessimiste de nature et le Covid est intervenu dans leurs conversations devenues chroniques.

Georgette se targue de lui faire une opposition par un optimisme de bon aloi.

Pour elle, il n'y a jamais eu de fatalité. Il y a des têtes de turcs qui doivent assumer leur trahison en pertes et profits avec des résultats dans un certain détachement qu'elle veut assurer et assumer dans leur couple.

Le modernisme va seulement trop vite pour René.

- Et si nous retournions au même endroit qu'en 2018 ? Cela nous avait bien plu, non. Il se trouve à l'entrée des dunes, il donne sur la mer et la plage. Tu te souviens de nos promenades le long de l'océan. Le personnel était sensass. J'avais reçu un bel éventail de la direction, le jour du départ, lance Georgette pour revenir à la base de leur discussion. Les vacances...

- Si tu veux. Oui, c'est vrai. Je me souviens qu'ils étaient tous en haie d'honneur à l'entrée du restaurant quand les touristes arrivaient pour dîner en deux services. Cela me semblait très convivial.

- Oui, c'était convivial. Le temps a été superbe. Chaud mais pas trop. Je peux ressortir les quelques photos que nous avions faites sur l'île. Une nouvelle petite virée en amoureux ne nous fera pas de mal avec les dunes en perspective.

- J'ai encore une toile quelque part qui les représente à ma manière avec l'épure dessinée sur place dans mon carnet de dessins.

Georgette devine que son carnet de dessins pris au fusain et son tableau doivent encore exister s'il ne les avait pas vendus depuis. Elle sait que vu son mari artiste, ils ne doivent pas être très représentatifs comme le sont des photos. Pour lui, les photos ne sont pas des œuvres d'art si elles ne sont pas remaniées par après avec les artifices de l'imagination. Cela ne laisse pas grand-chose à la réalité.

Elle se souvient avoir montré le résultat à une amie, mais celle-ci n'a pas dû les comprendre pour la faire rêver à un prochain voyage.

Elle est prête à tous les sacrifices. Elle a besoin d'évasion à 360° en 3D alors que René se contente de sa petite toile de 60 centimètres carrés en deux dimensions. 

Le sifflet d'une vieille bouilloire sur le réchaud électrique pour l'eau du thé matinal lui permet de commencer un débat qu'elle n'espère pas sans fin. Ils se sont mis côte à côte pour donner leur avis sur les options disponibles jusqu'à la décision prise rendue possible par un compromis.

Enfin, après moultes palabres, c'est décidé, ils iront à Gran Canaria.

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Août 2021 : Georgette se rappelle de l'info que nous venons d'arriver au jour où on vit à crédit depuis le 29 juillet. Ce jour-là, On a déjà consommé ce que la Terre produit pour un an.

Elle n'en dit rien à René pour ne pas réveiller le lion qui dort en lui.  

0.jpgEn ce début septembre, voilà que l'épopée canarienne devrait recommencer à bord d'un avion qui les mènera jusqu'à Gran Canaria après un vol de quatre heures.

L'agence où ils se sont inscrits leur a demandé de patienter, de ne pas s'exciter trop vite.  

Georgette a utilisé Internet pour aller sur Facebook et parlotter sur ses vacances avec de petites amies qu'elle y rencontre dans l'inattendu des relations souvent restées virtuelles. Elle aime les contacts humains. Pour casser cette virtualité, elle a invité quelques rencontres fortuites en ville pour aller blablater ensemble. Elle a peur que les vacances n'aient, une nouvelle fois, pas eu lieu.

N'y tenant plus, Georgette s'est rendue à l'agence. Une patience de 15 jours avant la date enregistrée dans le contrat est toujours nécessaire.

Puis est arrivé un mail. Le voyage se fera malgré le rougissement de la situation COVID dans tous les pays à l'entour dont l'Espagne.

L'invitation de se rendre à l'agence pour payer le solde, le confirme.

- Nos vacances sont confirmées. Je vais à l'agence, dit Georgette.

- Je ne m'en occupe pas. Va à l'agence. Tu as tout organisé à toi d'assumer le reste maintenant, dit René. 

- T'ai-je demandé quelque chose ? Je te connais depuis plus de 40 ans de vie commune. J'aime le hasard des rencontres et des découvertes. Toi, tu ne cherches que les nouveautés dans ton imagination artistique, répond du tac au tac, Georgette.

- C'est tout l'art du bon goût et de ma philosophie. Peu importe l'endroit où je suis. Je participe à tout sans bouger de mon chevalet.

Georgette ne répond pas à cette invitation à une nouvelle polémique.    

Intelligente, elle sait qu'elle ne parviendra jamais à le convaincre totalement.

"La force des femmes, c'est leur douceur" se dit-elle en elle-même.

René a une imagination fertile mais qui, une fois transformée par le prisme de l'abstraction, ne permet plus de déterminer le fond de sa pensée.

Sa logique du surréalisme ne passe pas avec tout le monde. Ce que René veut exprimer sur ses toiles sont parfois interprétées sans lien évident avec le titre que René leur donne.

Ce n'est d'ailleurs pas sûr qu'il se souvienne du titre quelques temps après. 

Ils sont d'accord sur tout ce qui est général quand ils parlent ensemble. Pas dans les détails. Elle réfléchit aux causes profondes de ces crises et moins à leurs effets. 

Quelques temps après sa visite à l'agence, Germaine revient avec une grise mine.

Elle a passé plus d'une demi-heure pour essayer de comprendre toutes contraintes demandées pour voyager en avion en Espagne. Fatiguée, elle n'ose rien en dire à René. Elle aurait perdu des points de persuasion vis-à-vis de lui.

René voit que quelque chose cloche, qu'elle est dépitée par le processus mais n'en souffle pas un mot.

- Tu as raison, c'est presque un cauchemar de partir en avion au vu des opérations administratives qu'il faut effectuer pour ce foutu Covid, finit par dire Georgette.

- Maudit Covid, ma chérie. Mais ce n'est plus tout à fait à lui de décider de notre futur, tout de même ? Lundi, c'est le départ et beaucoup de choses peuvent encore se passer, répond-il un petit sourire en coin. 

Vendredi 3 septembre : Georgette et René regardent la télé pour penser à d'autres actualités. Pour commencer la soirée, la télé parle de deux anniversaires totalement différents et opposés. Le vingtième anniversaire de l'attaque terroriste de New York du 11 septembre suivi par le premier anniversaire du décès d'Annie Cordy.

Ils ne parlent pas du premier sujet qui aurait ravivé la peur intérieure de René pour les avions. Dans le subconscient de René, l'avion reste un long cigare qui reste dangereux.

Le souvenir d'Annie Cordy, par contre, a meublé le reste de la soirée jusqu'aux petites heures du matin avant d'aller se coucher.

- Annie, je l'ai rencontrée. Sa simplicité et son goût de faire rire m'avaient séduite. Il y a plus de trois ans, mourrait Maurane. Habitante de Schaerbeek, elle n'habitait pas loin de notre rue des Mimosas. Elle aussi faisait partie de ces personnages que l'on rencontre ne fut-ce qu'une fois en faisant ses courses, mais dont on se rappelle dès qu'on entend sa voix. Tu es probablement trop abstrait pour ressentir ces sentiments humains. Elle n'était pas obnubilée par l'argent. Elle savait comment se faire aimer. Je chante souvent plusieurs chansons d'Annie dans la cuisine ou en prenant la douche, lance Georgette.

- J'aimais aussi. Pour toi, je nage seulement dans l'abstraction des objets. J'aime certaines personnes aussi. Ne suis-je pas ton complément parfait comme deux atomes qui ne font rien séparément de bon séparément mais qui, quand ils se rencontrent, créent une molécule comme un vrai bijou, répond René en l'embrassant

- Les premières contraintes administratives imposées sont idiotes. Elles doivent se faire deux jours avant le départ.

Le lendemain, Georgette a pris sa tablette et à commencer à remplir les réponses au questionnaire espagnol traduit automatiquement par Google. A la quatrième étape, elle charge son QR code de vaccinée et le système se bloque. Le nom ne correspond pas à celui du vaccin correspondant. Plus moyen de remonter dans le processus du questionnaire. 

- Je pars à l'agence. Il faut que je règle un problème d'enregistrement, lance-t-elle furieuse. Elle ne donne pas la raison de son courroux à René. Celui-ci aurait jubilé dans sa barbe naissante. 

Elle est revenue soulagée de connaître la raison du blocage dû à discordance de noms. Elle ne parle pas des problèmes résolus à l'agence. Et refait le même processus d'enregistrement pour René. Tout passe à merveille.  

- Demain, deuxième formalité pour quitter la Belgique, cette fois.

Un seul enregistrement pour eux deux sans problème qui déclarent sur l'honneur de ne pas se sentir affecté par le Covid dans une check liste.

- Non, peut-être, répond René avec un sourire en coin. 

Un petit cactus pour la routepodcast les a fait rire.

Le bal masqué, lui, va recommencer de plus belle.

Matin du 6 septembre : Le départ. Le soleil est au rendez-vous. La chienne, Loulou, 3ème du nom, a été cédée à une voisine. Laisser la chienne emportée dans la soute à bagages de l'avion, ni René, ni Georgette ne l'aurait jamais accepté. Mais, en plus, l'hôtel RIU Palace Maspalomas ne le permet pas et même ne sont pas enfants admis.  

- J'espère que tu n'as pas oublié l'huile solaire. Il y a trois ans, j'avais un coup de soleil suivi d'un mal de tête qui m'a forcé à rester en chambre, dit-il.

Georgette lève les épaules et les yeux au ciel pour toute réponse.

Tout est prévu en VIP Sélection, même les transports  

A 9:20 heure, le taxi arrive rue des Mimosas et les emporte vers l'aéroport de Zaventem. 

Arrivés, ils doivent attendre le moment d'enregistrer les bagages.

Là commence les premières étapes surréalistes.

Les formalités prescrites et rigoureuses une fois remplies, ils se dégagent de leurs valises sur le tapis. Tout le monde a l'air de s'écarter l'un de l'autre comme des pestiférés.

Les Magritte s'intercalent dans la file indienne avec la stricte limitation du mètre cinquante de séparation. La suite se déroule comme d'habitude. C'est le déshabillage de tout ce qui serait détecté. Ils sont, par nature, l'inverse de terroristes. L'attente jusqu'à l'heure de départ dans le lounge VIP et puis celle d'entrer dans l'avion. Tout est encore réaliste.

Dans l'avion, les places sont déjà fixées. Ce seront les 7E et 7F. 

Un jeune homme d'une trentaine d'années est déjà installé à place 7D. A l'autre côté de la rangée, il est engagé dans une conversation avec un autre jeune homme d'une quarantaine d'années.

Avec un grand sourire, l'occupant du 7D se lève, laisse Georgette et René prendre place du côté de la fenêtre. René est déjà de mauvaise humeur. Cela lui prend parfois sans raison. Georgette le sent et engage la conversation avec le jeune homme de la place 7D.

- Je vous remercie, Monsieur, c'est très gentil. Je vais me mettre à la fenêtre et mon mari, René, va peut-être pouvoir converser avec vous. Il peint des tableaux, dit Germaine en donnant un coup léger de pied sur la jambe de René pour l'obliger à changer de tête.

- Ah, votre mari, peint. C'est un artiste, donc. J'aime les artistes. Ce sera un honneur de pouvoir en discuter avec lui, dit le jeune homme.

- Bien, évidemment, dit René avec un sourire narquois forcé. Il aurait préféré avoir reçu les trois places pour eux seuls.

René ne parle pas avec tout le monde. René n'est pas très social mais parler de ses tableaux, c'est autre chose. Il ne peut pas éviter de faire une pub pour ses œuvres. La conversation s'engage entre René et son aimable voisin. Georgette regarde par le hublot de la fenêtre.

- Mon nom est Bernard Legrand. Est-ce la première fois que vous allez à Gran Canaria? demande le voisin de René. 

- Mon épouse Georgette et moi René Magritte. Non, c'est une deuxième, un retour après 3 ans. Mon épouse m'a engagé pour y aller une seconde fois. Je n'aime pas trop les voyages. Pour peindre, j'ai besoin de me trouver seul devant une toile encore vierge de toutes couleurs. Les idées me viennent dès que j'y dépose le premier trait sans avoir personne en face de moi en dehors de mon épouse, bien sûr, J'ai déjà fait plusieurs fois son portrait. Je peins rarement des paysages. Je peins surtout en associant des objets incompatibles normalement entre eux.

- Comme c'est intéressant. A Maspalomas, j'y suis allé avec mon ami, plusieurs fois. On y fait des rencontres insolites. On y trouve aussi beaucoup d'artistes.

- Nous partons en vacances surtout pour mon épouse, Germaine, pour qui les vacances sont très importantes. Elles lui permettent d'accorder un tempo aux travaux d'intendance à la maison. Elle a besoin d'exotisme et de ne plus devoir faire la même chose à la maison toute l'année. Quand je veux faire quelque chose à la maison pour la remplacer et lui épargner du travail, elle refuse en disant que je n'ai pas l'habitude et que je ne le ferais pas bien à son idée.

- Les femmes n'ont pas toujours raison de le dire. Je fais tout moi-même chez moi. J'ai mon ami pour le reste. Déléguer n'est pas facile même pour motiver. Je connais cela au bureau où je travaille. Je contrôle une petite équipe et souvent je me dis que je ferais mieux et plus rapidement en faisant le travail par moi-même...

La conversation s'arrête net quand l'hôtesse de l'air présente les procédures de secours en cas de catastrophe.

L'avion décolle à 13:15 comme prévu. 

Un léger trou d'air se produit et des enfants à l'arrière semblent s'en amuser.

Ce qu'a dit Bernard apporte de l'eau au moulin de Georgette qui continue à écouter la conversation entre René et lui qui ajoute un mauvais point virtuel dans la colonne des statistiques avec René pour entête et un bon point dans son esprit personnel.

La conversation ne reprend pas tout de suite par après.

Bernard prend un livre qu'il a emporté ou parle avec son ami de l'autre côté de la rangée. René se tourne vers Georgette pour lui dire quelques mots en privé.

- Tu ne trouves pas que mon voisin, Bernard, est un peu efféminé. Tu te rappelles des trous dans les dunes, je le vois très bien dans le milieu homosexuel, chuchote René à l'oreille de Georgette.

- Parle plus bas. Il est probablement amateur d'endroits secrets comme terrain de gay cruising, répond-elle.

Aparté inaudible, dépassée par la concurrence du bruit des moteurs de l'avion.

Maspalomas est connu comme un centre des réunions entre « amis du même sexe » et par une zone réservée aux nudistes. René a encore une conception très traditionaliste et l'homosexualité dans laquelle cela fait partie des mythes dont il n'en a pas compris l'ouverture et l'acceptation de la modernité.

Une demi-heure après le décollage, René reprend contact avec son voisin pour montrer qu'il connaît tout de même très bien l'endroit avec ces dunes.

- A Maspalomas, ce sont des dunes tellement hautes qu'on peut se croire dans le Sahara. J'ai eu l'occasion de les dépeindre au fusain au fond d'une crevasse. Je regardais le ciel bleu au-dessus de ma tête avec la lune toujours présente et cela m'avait inspiré. Ma Germaine m'a interdit de prendre une toile vierge avec mes pinceaux et mes couleurs. Cela prendrait trop de place dans les valises. Mais j'ai un carnet de dessins qui me permet d'esquisser ce que je peindrai au retour, dit finalement René à son voisin.

- Les dunes, quels merveilleux endroits naturels pour chercher de l'inspiration à ses rêves. C'est un paysage tout à fait original. Une tranche de désert posée en marge d'une ville moderne. Pas moins de 400 hectares des types saharien sur 4 kilomètres avec certaines plus hautes de dix mètres. Une pointe s'enfonçant d'un kilomètre s'enfonçant dans les terres. Un écosystème unique avec une palmeraie et au bout du côté du phare, une petite lagune où viennent se poser des oiseaux migrateurs. L'océan longe les dunes et les marcheurs clapotent pieds nus tout le long de la promenade, répond Bernard un peu en décalage sur ce que René venait de dire.

- Le phare est un bon repère. J'aurais aimé être un insulaire. Une île reste un île dommage que quand on en a fait le tour, il n'y a plus que l'avion ou le bateau pour changer son horizon, lance René pour ne pas détruire l'élan poétique de son interlocuteur.

- Vous avez raison. Je reste pourtant un insulaire profond. Je n'ai pas beaucoup de bagages à transporter. Je n'aurai qu'une petite valise à récupérer à l'arrivée. Dans l'hôtel, tout est prévu pour le touriste pressé désirant se pavaner au soleil et aller dans les piscines. Un slip de bain suffit. Les Canaries sont appelées "Printemps éternels". Le soleil n'est jamais loin. Il ne pleut que rarement. Le tourisme y existe toute l'année. En hiver, les Scandinaves viennent faire leur cure de luminothérapie. Pour fêter Noël, beaucoup de Scandinaves reviennent pour retrouver la lumière du soleil. Les Canaries apportent un traitement au mal du manque de lumière. Les Père Noël avec de la neige qui pendent aux fenêtres ont alors un aspect un peu bizarre alors que la température dépasse les 25°C. Mais qui s'en plaindrait ?

Les hôtesses viennent une nouvelle fois couper leur conversation en demandant ce que les passagers désirent comme boisson avant de servir les repas dans la classe VIP. Un verre de champagne est servi comme apéritif.

Le repas est bien mesuré avec entrée, plat de résistance et dessert.

Georgette écoute ensuite mais n'intervient pas dans leur conversation qui parle du repas.

Elle est fière de son René, artiste mais elle n'en laisse rien paraître à son entourage. Elle sait que René est comme un enfant exigeant qui, tant qu'il n'avait pas ce qu'il veut, peut être très chiant. Mais il est trop mignon quand il fait la gueule. Dès qu'il dit ce qu'il pense, il désarçonne Georgette qui n'a qu'une solution pour ne pas perdre le lien que de parler d'autre chose sans transition. Elle reste secrète comme son ombre, prête à se dépenser au moment opportun pour remettre René sur les rails, à la rescousse dès qu'une conversation tourne à l'aigre-doux. La confiance, il n'y a que cela qui maintient leur entité "couple". Une vie commune de plus de 40 ans apporte de l'expérience et quelques résistances. Le commandant de bord lance au micro que l'avion aborde sa descente. Il faut serrer sa ceinture de sécurité. René se lève une dernière vois en écrasant les genoux de Georgette. Il a envie de chanter la chanson de Brel. Une île. 


Arrivé à destination à 17:15, heure locale, ce sont les couloirs qui se suivent et s'enfilent à gauche, à droite jusqu'aux rampes de réception des bagages. Reculer d'une heure sur sa montre.

La première constatation du premier abord : l'endroit paraît d'abord désert comparativement à l'arrivée en 2018.

Y aurait-il moins de voyageurs qu'en 2018 ? 

Non, voilà que d'autres voyageurs arrivent en provenance d'Allemagne.

Les bagages récupérés, deuxième constatation : la réception de l'agence est quasi inexistante. Pas de documents avec les excursions à recevoir. La préposée indique seulement quel est le taxi à prendre jusqu'à l'hôtel.

Vérification des QR Codes et du SpTH.  

A l'extérieur, 28°C, le compte reste bon car il doit toujours être bon quelque part. 

Entre 100 et 120 km/h, il faut une vingtaine de minutes pour rejoindre l'hôtel qui apparait enfin avec sa façade d'une blancheur immaculée. 

L'hôtel a été rénové pendant la crise. Il n'est rouvert que depuis juillet.

Ce qui lui a permis de monter sur l'échelle des 5*.

Tout semble être pour le mieux.

A la réception, le voucher n'est même pas nécessaire.  

Sans le demander, la chambre est au même endroit mais un étage plus haut. 

L'aventure surréaliste maspalomasienne sur la Plage de l'Anglais commence. 

Ahora, vamos a la playa de Playa del Ingles

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A Maspalomas

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Mardi 7 septembre : Après son levé à 07:30, René ne tient plus en place. Il faut qu'il sorte de la chambre avant le petit-déjeuner comme il le fait tous les jours à domicile à la rue des Mimosas. Il laisse Germaine se préparer à son aide. C'est un moment sacré pour lui pendant lequel tout reste calme à l'extérieur.

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A l'hôtel, quelques touristes sont déjà à table. D'autres se préparent dans leur chambre. Le grand rush des estivants dans l'effervescence est pour plus tard dans la matinée.

Il fait encore relativement trop sombre pour utiliser son cahier de dessins qui lui sert de flashes de mémoire. Il ne le prend pas avec lui. Ses esquisses seront pour les jours suivants.

Georgette laisse René faire son "tour d'exploration". Celui-ci l'empêche d'entendre les retombées de critiques auxquelles elle ne devra pas répondre.

0.PNGTrès vite, René s'est retrouvé à l'entrée des dunes devant lesquelles il enlève ses chaussures comme s'il entrait dans une mosquée et surtout pour ne pas revenir avec un poids de plus dans chacune d'elles.

Il aime la solitude qu'il retrouve le matin dans ces dunes désertes comme dans un Sahara miniature. Sur certaines dunes qui atteignent plus de dix mètres, il y a quelques lève-tôt qui attendent comme lui, le lever du soleil à leur sommet. Marcher dans le sable des dunes reste un sport difficile. Chaque pas en avant est susceptible d'en faire un autre à reculons. Il a l'impression de ne pas avancer pour atteindre l'océan qui n'est pourtant pas loin à vue d'œil. Elles sont encore fraîches à cette heure. Dans la journée, elles auront eu le temps d'emmagasiner une chaleur trop importante pour rester pieds nus. Le sable construit des stries avec le vent.

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Il y a trois ans, il avait espéré trouver le grand lézard Canario, endémique sur l'île. Mais, il ne l'a jamais rencontré en 2018. Il espère que sa recherche sera plus fructueuse, cette année. 

Toujours anticiper les hasards d'une rencontre est cher à René pour se retrouver sous ses pinceaux. Raté, ce ne sera pas encore pour cette fois.

Dans le creux d'une dune, le silence est total.

Le soleil apparaît à l'Est enfin à 07:55. Son rougeoiement progressif permet d'éclairer l'une après l'autre et la lune encore visible, donne encore l'impression de se trouver seul dans le cosmos à l'éveil du monde. Le soir, à l'Ouest, ce sera à peu près à 20:00. 

Ce sont les deux moments de la journée que René préfère.

Petit sportif d'occasion, sans aucune envie de compétition, sans sprint de champion, arrivé sur le terrain plus plat de la plage, il se met à courir au sortir des dunes dans de grands espaces libres sur l'horizon.

A 09:15, il en revient pour aller prendre un brunch bien complet qui se termine à 10:30. La sudation de la promenade mérite bien deux théières et deux verres d'oranges pressées. 

Pas de déjeuner à la mi-journée. 

La sortie de l'hôtel pour aller vers le centre de la ville, René le réserve pour la promenade d'après-midi avec Georgette. Pour elle, cela ne lui fait rien de se promener dans des ruelles délimitées par des murs qui apportent de l'ombre ceinturant des hôtels, des bungalows et des habitations louées ou achetées par des touristes. Il y a un quartier de petites maisons toutes identiques qui se différentient par la couleur.

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Le Shopping Center "Cita", le premier à partir de l'hôtel, semble être endormi et avoir atteint l'âge de la retraite. La plupart des magasins y ont mis la clé sous le paillasson. Plusieurs shopping centers se concurrencent et se partagent les envies de touristes qui ont souvent déserté, malgré les efforts pour les faire revenir. Le Covid a changé les habitudes.

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Le soir, l'animation pourrait reprendre, mais rien n'est sûr. Un chauffeur de taxi confirme cette impression de vide et des touristes qui ne sont plus aussi nombreux depuis les épisodes du Covid au retour d'une promenade dans la soirée. Cela se ressend quand il raconte ce qu'une journée lui rapporte aujourd'hui par rapport aux années normales sans Covid. 

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Les circulations de véhicules se limitent aux taxis et aux bus touristiques qui viennent chercher les touristes pour effectuer des excursions dans l'île ou pour regagner l'aéroport.  

Les Magritte décident d'effectuer l'aller en promenade et, fatigués de monter et descendre, de penser au retour en taxis qui sont relativement bon marché. 

Le soir, autour de l'hôtel, les rues sont désertes. C'est la grande télé numérique pendue au mur qui va combler les vides.

Deux chaînes mondiales françaises : France 24 et TV5 Monde. Curieux de trouver dans le panel, la chaîne CGTN (China Global Television Network) en français....

Pas de LN24. Pas étonnant que la chaîne d'information en continu belge est à vendre après deux ans d'existence.

Trop réaliste tout cela, je vous dis à n'avoir qu'à regarder l'info du monde en continue, souvent triste en continu, répété toutes les demi-heures. Les événements du 11 septembre en boucle, vus et revus des dizaines de fois.

La fiction est parfois tellement plus agréable à regarder mais pas ici.

Mercredi 8 septembre : Lors d'une promenade sur la plage entre le début et la fin des dunes, les pieds dans l'eau, Georgette et René se retrouvent et discutent des péripéties de la veille. 

Ici, il y a des zones réservées aux nudistes. Le coureur de jupons qu'était le père de René, aurait pu être intéressé avec des idées lubriques. Georgette s'arrête et regarde les débats amoureux d'un autre couple. René imagine des corps sans têtes.

Le titre d'un de ses prochains tableaux pourrait s'appeler "La profonde nudité".

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Jeudi 9 septembre: Covid paranoïa. "Ce que les gens s'obligent à faire contre le Covid fait partie de l'absurde" dit René à Germaine.

1.PNGLe soir en entrant au restaurant, la température corporelle des convives est attestée avant de pouvoir se restaurer. Le gel anti-Covid compléter la panoplie de précautions. Aucun déplacement sans masque sur le nez pour aller chercher sa nourriture et s'asseoir ensuite en le déposant sur la table comme s'il s'agissait d'un rituel immuable. René avait même pensé que le self-service aurait pu être remplacé par un service à table. Là, vu les réductions de personnel, cela fait partie de son surréalisme.

En quittant la table, comme elle sait que René est souvent dans la lune, elle ne manque pas de lui répéter "n'oublie pas ton masque". Il l'oublie souvent sur la table.

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Un des deux ascenseurs de l'aile Est de l'hôtel est tombé en panne pendant plusieurs jours. Sur la porte, il est indiqué « Deux personnes maximum » alors que l'ascenseur permet de contenir facilement cinq personnes. Deux fauteuils moelleux ont été disposés au rez-de-chaussée devant les ascenseurs. Est-ce une précaution intentionnelle de surréalisme volontaire ? Non, ce sont les escaliers qui deviennent la solution utilitaire. N'est-ce pas pour faire partie des exercices physiques quotidiens ? 

Ce matin-là, une femme âgée seule qui se trouve déjà seule dans l'ascenseur. Elle pique une crise en refusant au couple Magritte de s'intégrer en plus. Les escaliers du passé au présent dans un futur non défini ou une suite logique au désir de vivre plusieurs vies ou d'allonger la sienne dans le transhumanisme ? Seulement, une prétention d'indépendance que deux parties devraient jouer dans un scénario où l'amour reste masqué pour corser le surréalisme.

Cela donne des idées à René pour un nouveau dessin à convertir en toile.

Les images nous trompent toujours.

Il a déjà le titre du tableau : « Ce n'est pas une victime » comme il l'avait fait pour "ce n'est qu'une pipe".

On y voit cette fois, une tête de dame sans corps qui parle à un interlocuteur sans esprit.

Aucun suspense en vue à se mettre sous la dent comme ils ont pu le faire à Knokke. RAS comme on dit dans le jargon de service.

Illusion, trahison et déception.

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Vendredi 10 septembre : René part dans les dunes. Il remarque qu'il n'y a pas uniquement les touristes, smartphones dans les mains qui attendent le soleil à l'horizon sur la crête des dunes. Des mouettes et des goélands les ont précédés.

René s'installe sur une dune en face d'eux et observe. Puis, il jette un regard vers l'océan. Il faut y aller. Continuer à explorer.

Une fois les dunes traversées, René clapote ses pieds nus dans les vaguelettes qui finissent leur cours paisiblement. Direction le phare qui se détache à l'horizon. Il ne l'atteint pas. Le temps est passé trop vite. S'il continue, il n'arrivera pas à temps pour le petit-déjeuner. Reprendre la même traversée des dunes au retour s'impose.

Après le petit-déjeuner, retour à la piscine. Autour d'elle, un mélange de langues fusionne et séparent les gens. L'anglais et l'allemand prédominent. Le Covid est une autre entrave à l'ouverture de la communication. On s'évite plutôt qu'on s'assemble.

René entend parler français et il entame la conversation avec deux couples. Ils viennent de Lyon. Les hommes sont tous deux d'anciens cuisiniers. Une occasion de comparer leurs visions avec les siennes. Ce ne sera pas pour très longtemps. Mais, cela n'est que de courte durée. Ils partent le lendemain.

Une petite serveuse qui circule entre les transats pour apporter apportent à boire, ce qui est bien nécessaire, a René et Georgette à la bonne. Elle est polonaise d'origine. 41 ans...

- Where you come from, demande-t-elle en anglais à René.

- Belgica, Bruselas, répond-t-il. 

Une petite conversation s'engage dans un anglo-espagnol approximatif (traduit pour l'occasion).

- Quelle langue avez-vous appris à l'école, lui demande René. 
 
- Le russe d'abord. Puis après un passage en Allemagne, l'allemand. Et bien sûr l'espagnol que je préfère. L'anglais, ici, avec les touristes. Le français est trop compliqué surtout pour l'écrire et très peu utilisé.

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Samedi, 11 septembre : Georgette et René sont installés sur des transats sous un parasol près de la piscine. Les rayons du soleil traversent les nuages et, avec un effet de loupe, frappent plus dur que dans un ciel sans nuages. Un Hollandais, beau teint bon œil, les interpelle en anglais. Selon lui, il n'y a pas assez d'espace entre son fauteuil et les leurs. Il demande de reculer. René est prêt à lui répondre vertement mais Georgette le retient et recule son fauteuil et, sachant la réaction que René peut avoir, pose un doigt sur sa bouche.

- Tu te rends compte que tu obéis aveuglément à ce con. Il n'avait qu'à demander à son copain à côté de lui, de le faire, souffle René à Georgette.  

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- As-tu déjà fait l'inventaire des couples autour de la piscine ? poursuit-il.

- Que veux-tu dire. Quelle est la raison de ta question ?

- Regarde autour de la piscine et de l'autre où j'ai remarqué cela aussi. Compte le nombre de couples de même sexe. J'ai fait un rapide calcul et il y a plus d'un couple d'hommes ensembles que de couples hétérosexuels comme nous. Cela même dans la piscine. Ce matin, en me promenant le long de l'eau. Un gars se promenait complètement à poil avec pour seul attribut un sac à dos. Je n'étais pourtant pas encore dans la zone de nudisme. J'ai comme une impression de ne plus de ne plus être dans la normalité. 

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- Je t'ai déjà répondu dans l'avion. La normalité, cela n'existe pas.

Écoute, ça :podcast. Je l'ai podcasté récemment.

- Je lis actuellement le livre de Michel Bussi "N'oublier jamais". C'est une histoire à rebondissements à toutes les pages. L'interlocuteur y parle d'une arme secrète. Je te lis : "Il ne sort jamais sans ses cartes et dès qu'il croise une fille qui lui plait, il lui en glisse une dans la main sans même s'arrêter sur laquelle est écrit ""Vous êtes différente dans cette foule. Quelque chose vous distingue de toutes les autres. Merci pour ce petit instant magique".  

- Cela s'appelle probablement un coup de foudre, non ?

- Et bien, non. Détrompe-toi. Il disait ensuite qu'il y a bien un truc auquel il n'a jamais compris, c'est le coup de foudre. Au moins une femme sur dix est vraiment jolie si elle veut plaire et si on cherche au-delà, au moins une femme sur dix ou sur vingt peut-être, est parfaite chacune dans son genre. Le coup de foudre, ça me sidère. C'est troublant aussi, non ? 

- Si tu te rappelles nos débuts ensembles. Notre rencontre a été en deux phases. Mais, je ne sais pas où tu veux en venir. C'est de la fiction débordante de réalité.

- Nulle part. Je me demande si entre deux hommes si c'est la même chose. Si le processus de rencontre ressemble ou est-ce plus compliqué ? Aznavour chantait "Comme ils disent".


- Je te l'ai dit, tu es trop conformiste à une certaine normalité qui n'existe que dans ton imagination. L'homosexualité a toujours existé. Considéré souvent comme syndrome par les hétérosexuels, dans nos pays occidentaux, elle ressort un peu plus visible qu'avant. Ils peuvent même adopter des enfants. Nous n'avons pas eu d'enfants. Enfanter est un choix que certains ne comprennent pas. Ta postériorité ne se retrouvera pas dans tes gènes mais dans tes œuvres, dans tes tableaux dont on parlera encore pendant longtemps exposés dans les musées. C'est pour ta personnalité que je t'ai choisi et pas pour autre chose. Tu es mon complément, mon supplément dans beaucoup de choses. Cela crée une force particulière. Je l'ai compris lors de notre deuxième rencontre au Botanique. Depuis, plus de quarante ans se sont écoulées. Il n'y a aucune duplicité dans ton surréalisme et mon réalisme. Qui sait si je n'aurais pas été plus féministe avec une compagne de vie. Les sentiments et l'amour ne se contrôlent pas. Ils se partagent. 

- Tu as raison. Nous avons concrétisé notre relation de gosses plusieurs années après, lors d'une rencontre fortuite au Botanique.

- C'est ça qu'on appelle le hasard et que d'autres appellent destinée. De manière plus scientifique, c'est aussi une suite à une émission de phéromones attractifs.

Comme d'habitude, l'intelligence adaptative de Georgette remet les fantômes de René et les aiguilles à l'heure du pragmatisme par la voie de la sagesse. Elle passe plus de temps sur les réseaux sociaux que René et ces points sont souvent discutés. La guerre des ondes se produit au cours d'une liberté d'expression qui poussent les autres à être comme eux avec des alibis qui ne peuvent être généraux. Le risque d'aujourd'hui est que les robots pourraient remplacer la diversité culturelle avec une régulation trop poussée pour construire des clones sans imagination. C'est là que l'homme aura tout perdu de ses personnalités multiples.     

 

Dimanche 12 septembre : 0.PNGExcursion à Puerto de Mogan que l'on atteint en taxi pour moins d'une trentaine d'euros en longeant la côte Est. Dès qu'on sort de cette ville au Sud de l'île, on retrouve l'aridité et la sécheresse du paysage.

Une plage et un port de plaisance nous y attendent. Autour de celui-ci, cerné par une ribambelle de commerces pour touristes, un quartier agréable traversé par de petits ponts, des ruelles fleuries, bordées de maison blanches bizarrement de style néocolonial construit par l'architecte Raphaël Neville dans les années 80 qui a été appelée de manière exagérée "Venise des Canaries".  

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Lundi, 13 septembre : Après son jogging du matin, René est entré dans le mini shopping centre devant l'hôtel. En sortant, il tombe nez à nez avec une photo dans un journal local. Elle représente la tête de son voisin dans l'avion qui les a menés par ici, il y a une semaine. Il ne se rappelle plus que de son prénom : Bernard. Le titre au-dessus de la photo "Una gira belga ha desaparecido". Ses connaissances en espagnol sont très rudimentaires, mais il n'a aucune difficulté à comprendre. Il achète le journal et s'empresse de retrouver Georgette avec une excitation à peine dissimulée.

- La police espagnole va certainement le retrouver. Tu ne vas tout de même pas partir à sa recherche. Une enquête, tu peux le faire chez nous, mais pas avec tes faibles connaissances du terrain et dans la langue. Il est probable qu'il se soit égaré et que son ami qui était dans la rangée parallèle de l'avion a signalé sa disparition", répond Georgette plus calmement.

- Tu as certainement raison. 

Mardi, 14 septembre : René est resté éveillé une partie de la nuit à rêvasser à moitié éveillé. Sans le dire à Georgette, René a l'intention de faire sa petite enquête dans les dunes. S'il y a un endroit où on peut disparaitre, c'est dans les dunes. Il fait gris dehors. Des nuages noirs inhabituels remplissent le ciel et le lever de soleil est laborieux.

0.PNGDans les dunes, une affichette indique un chemin qui demande 45 minutes de trajet pour atteindre la ravine. Il l'emprunte. Il ne rencontre personne. Il arrive aux abords du golf qui sont délimités par des clôtures de cactus. A cette heure, ce sont les oiseaux qui, seules, lui apportent une compagnie. Un bel oiseau sautille et attire son regard. Il le suit en sortant quelque peu du chemin tracé délimité par des poteaux mais aucun corps d'homme.

Obligé de revenir, il reprend le chemin du retour. Le soleil fait des efforts pour ressortir de lourds nuages. A une centaine de mètres de l'hôtel, deux gardes l'interpellent. Il n'aurait pas pu passer par là. Il s'en défend en anglais, prétend qu'il est ornithologue, qu'il est intéressé par les oiseaux. Rien n'y fait. Chacun reprend son chemin avec des idées contradictoires.

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Quand il retrouve Georgette dans la chambre, il n'en dit rien. C'est elle qui l'attaque sur un plan inattendu : "Tu as ronflé toute la nuit. Je n'ai pas pu dormir".

La journée commence mal. René n'aime pas qu'on lui reproche de ronfler. Sera-ce une journée avec beaucoup d'images, mais plus de son en écho ?

René se plonge dans son cahier de dessins et fait semblant de bouder. Peindre des choses existentielles, ce n'est vraiment pas son truc. Pour lui, la surréalité est tellement plus porteuse d'imagination avec l'immensité de l'océan comme arrière- plan. 

Mercredi, 15 septembre : Plus aucune dispute, plus aucun nuage après ce léger différend avec Georgette. Faire semblant de bouder, René n'a jamais pu le faire très longtemps. A 07h00, il fait noir. La ville est vidée de toutes présences humaines. Les lumières des lampadaires lui permettent de progresser. Il est pressé de retourner au petit libraire d'en face pour voir s'il y avait des nouvelles de la disparition. Plus le temps s'écoule, moins il y a de chance de retrouver une personne disparue. Ce n'est déjà plus à la page de garde qu'il trouve une suite. Serait-ce un accident, un incident ? Un encart à la deuxième page dit, en fonction de ce qu'il comprend de son espagnol parcellaire, que la place qui, dans l'avion du retour à Bruxelles, devait rapatrier ce Bernard et elle est restée vide. Son ami est reparti seul. Son jogging du matin se déroule dans les recoins de la ville. Suite aux prochaines informations. Ecouter celle de la télé locale, il ne s'en sent pas vraiment capable.

La journée s'illumine d'un soleil qui pointe à l'horizon. Le vent de tempête qui a fait trembler les volets, s'est complètement calmé. Georgette ne parle plus de l'incident d'hier, ni de la disparition. La journée va être radieuse. On le sent. On le veut.   

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Jeudi 16 septembre : René fait semblant de rien quand lors de leur promenade matinale, il jette un coup d'œil aux informations du même journal local. A la deuxième page, le titre "El amigo de los desaparecidos, llegó a Bruselas, fue detenido". Il se renseigne au sujet de la traduction chez la tenancière de la librairie qu'il sait connaître un peu de la langue de Molière. Elle traduit l'article en grandes lignes. L'ami Robert a été mis en garde à vue. 

Vendredi 17 septembre : Plus rien dans la presse locale. L'affaire est devenue internationale. C'est la presse belge qui doit avoir pris le relais. Un passage par la presse belge sur Internet. Robert, l'ami de Bernard, sur le siège 7D à l'allée, est inculpé. En pleur, il a déclaré que suite à une dispute avec son ami Bernard, il l'a poussé, est tombé et Bernard ne s'est plus relevé. Robert a paniqué. Il a indiqué où il a transporté Bernard. L'information, transmise en Espagne, la police l'a retrouvé. Une autre affaire commence pour lui en justice. Bernard n'ira plus à Gran Canaria avant longtemps.

- L'inculpation a été rapide. Je me demande pourquoi je n'ai pas été inquiété et convoqué. J'étais aussi à côté de ce Bernard, demande René à Georgette. 

- C'est très simple à comprendre. Tu étais assis sur le siège 7E. Moi, sur le 7F à la fenêtre. Nous étions inscrits ensemble pour le voyage. Comme probablement Robert et Bernard l'ont fait aussi. Cela n'a été d'aucune difficulté pour la police de trouver un responsable potentiel. La suspicion est affaire de réflexion, René. Comme dans tous les couples et les affaires de sexe, il y a toujours des jalousies qui planent. Nous sommes quelque part, un couple de dinosaures. Les couples hétéros se séparent en moyenne tous les sept ans. Si tu te rappelles des "Liaisons dangereuses" tirées du livre de Laclos. Il écrit que ce sont les femmes qui choisissent leur partenaire par la séduction comme artifice et la rondeur de leurs formes comme attribut. L'égalité des sexes est une façade. Une femme doit toujours être plus intelligente que l'homme pour s'imposer. Elle doit utiliser la ruse avec une prise de distance permanente. Pas étonnant, qu'aujourd'hui, elle l'a dépassé et que c'est elle qui, en féministe convertie, prend les rênes avec lucidité, ne dépend plus de l'homme financièrement, inverse les rôles, outrepasse des prérogatives anciennes et devient, elle-même, chasseresse dans une justice sociale. Ce n'est pas le cas entre les homosexuels hommes. La guerre des sexes n'a ainsi pas lieu.

- Comme deux ptérodactyles qui s'aiment d'amour tendre, répond René en riant.

- Nos disputes se terminent par une conciliation. Quand tu t'emballes, je te calme. Mais on ne badine pas avec autant de sarcasmes dans des liaisons dangereuses homosexuelles. 

Dimanche 19 septembre : Veille du départ. Il s'agit de créer son PLF pour entrer en Belgique. On ne parle plus de l'affaire de Bernard et de Robert. Il faut faire les valises en espérant que tout parvienne à y retrouver une place. Dernière soirée. Dernière promenade autour de l'hôtel qui est même plus étincelant de nuit sous les lumières.

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2.PNGLundi 20 septembre : Dernier petit-déjeuner. Les valises à descendre et payer sa note.

Le taxi arrive à 144h5, un quart d'heure plus tôt que prévu.

Arrivé à l'aéroport, enregistrement des bagages et vérifications de sécurité.

Embarquement dans l'avion dans les temps.

Avant de survoler les Terres, le pilote fait œuvre utile en annonçant au micro les lieux survolés. "A votre gauche, vous avez..., à droite..." La montagne du Teide, La Palma avec l'éruption du volcan...

Dernière vue de l'hôtel à partir du hublot de l'avion.

   Capture d'écran 2023-08-07 154837.png

Cinquante minutes après, Escale à Funchal. Après le soleil de Gran Canaria, c'est un ciel plombé que l'avion survole au-dessus de Funchal.

Récupération des touristes de Madère et décollage pour Bruxelles qui sera atteint au temps belge (+1 heure). La lune a pris le relais dans la profondeur de la nuit. Les lumières de Lisbonne, à un moment. Paris, à un autre, un peu plus tard. Certains se sont mis à sommeiller. Bruxelles, enfin, dès que les roues touchent le sol de la piste.

- Tu ne trouves pas que notre dîner au retour dans l'avion, a été meilleur qu'à l'aller, dit Georgette. Nous avons même reçu chacun deux pralines de Neuhaus, constate-t-elle en attendant les valises entrainées sur le rouleau avec la mention "Gran Canaria" en son sommet.

- C'est pour te remettre de tes émotions et pour te remettre dans l'ambiance de Bruxelles. J'ai reçu un SMS du taximan qui vient nous chercher. Il nous attend à la sortie, répond René. Il l'était en principe mais visible sans son taxi garé à l'étage inférieur. Bien baraqué physiquement, peu dissert, il correspondait parfaitement à l'endroit où est garé son taxi.  

Mardi 21 septembre : Arrivés à la maison à la rue des Mimosas...

- Quelles sont tes appréciations de nos vacances, Georgette. Tu te souviens de cette émission sur TV5 qui, présentait un couple de Français qui avaient tout quitté, tout vendu pour aller vivre à Fuerteventura, une des autres îles des Canaries. Pourrais-tu avoir la même idée un jour ?", demande René à Georgette.

- Je me souviens. Tu sais, j'ai parfois eu la nostalgie de notre commune Schaerbeek, de notre parc Josaphat, de nos petits vieux qui y habitent encore. De notre culture et de nos artistes aussi. De notre steak frit. De notre patrimoine. De la variété de nos arbres. A Gran Canaria, il n'y a que des palmiers toujours verts alors que là-haut dans le Nord, nous avons des chênes, des peupliers, des marronniers qui doivent déjà avoir actuellement quelques couleurs d'automne. Quant à l'hôtel, on sent qu'il a dû trouver du personnel dans l'urgence après la fermeture. On ne trouvait personne au restaurant qui puisse parler français. J'ai été contente de partir en vacances, mais je suis contente de revenir. La chanson "Né quelque part" me rappelle que l'on partage certaines racines indélébiles dans notre esprit. J'aime découvrir, de toujours trouver autre chose. De plus, ee Covid nous a fait tourner la tête à l'envers pendant toutes ces vacances.   

- J'ai les mêmes conclusions. Notre aventure ne se retrouvera pas d'une manière ou d'une autre ni sur une toile, ni à la télé et ni au cinéma, répond René en l'embrassant sur la joue.

 

FIN

..........

2023 : Odyssée bissée par surréalisme

Janvier 2023.

- Que penses-tu si nous retournions à Gran Canarie. Cela t'avait bien plu, dit Georgette à René qui est occupé à peindre une nouvelle toile.

René dans ses songes imaginatifs ne répond pas.

Elle en a l'habitude. Quand il peint, René est toujours absorbé et on ne peut pas le déranger.

A l'heure de table, elle repose la même question.

Elle sait qu'à l'heure de table, manger est l'autre amour de René après la peinture. Ce que prépare Georgette est un tel délice que même une peinture peut attendre son retour pendant une parenthèse.

- Tu as raison. Il a fait bon sans chaleur excessive. Va te renseigner à l'agence, je suis d'accord.

Georgette a enregistré sa réponse. Elle a carte blanche. Elle le fait dès l'après-midi.

Elle revient avec la date du voyage et le même choix de l'hôtel qu'ils avaient, il y a deux ans.

- Ils ont une chambre et une place dans l'avion pour le 9 septembre. C'est un peu plus cher parce que ce qu'on m'a proposé une meilleure chambre dans une suite avec des lits séparés. Puisque j'avais ton accord, je me suis enregistré pour ce voyage. Le Covid et ses restrictions n'existent plus. Nos déplacements domicile - aéroport et aéroport - hotel sont inclus. Pas de soucis. Tout va être parfait", dit Georgette avec une confiance démesurée.  

- Merci. Tu as bien fait ton enquête.

Tout n'est qu'enquête pour René. Enquête pour décider ce qu'il va peindre à partir de son imagination.

Le taxi est prévu à 10h40. Le décollage à 12h45.

9 septembre 10h20 : A la radio, on apprend qu'il y a eu un tremblement de Terre au Maroc.

- Nous allons dans la même direction. J'espère que nous n'aurons pas de secousses, dit René

- Le tremblement de terre s'est produit dans les environs de Marrakech, nous en sommes assez loin" répond Georgette qui connait le caractère toujours inquiet de René, susceptible de changer d'opinion à la moindre excitation. 

Ce matin à Bruxelles, déjà 24°C et les prévisions de la météo donnent 30°C dans la journée de ce samedi. Le véritable été a été décalé sous forme d'été indien.

Le taxi arrive avant l'heure. Les valises sont chargées dans le coffre. Georgette et René embarquent ensuite. L'enthousiasme règne. Ils sentent que la journée va se dérouler comme sur des roulettes. Le taximan aime parler. Cela se sent. C'est un peu ce que déteste René. Mais ils le laissent parler sans beaucoup réagir. Arrivés à l'aéroport, ils connaissent toute la vie du taximan en abrégé.

10h40 Les valises sont enregistrées. Il n'y a plus qu'à se rendre au lieu d'embarquement fixé à 12h00 et attendre jusqu'à 12h25.

Tout se passe donc à merveille. René, sans le dire, s'en étonne. Un voyage sans anicroche, il n'a jamais connu cela dans sa vie de peintre surréaliste quand il était à Paris avec des détracteurs de ses oeuvres.

Le couple s'installe à sa place réservée dans l'avion. René est du côté hublot.

12h55 L'heure de décollage est bizarrement dépassée. L'hôtesse annonce que deux passagers ne sont pas encore embarqués dans l'avion et on les attend. 

13h00 : Toujours personne. Le pilote décide de partir. Mais il y a un problème. Les valises de ces deux passagers sont déjà dans la soute à bagages de l'avion. Il faut les extraire avant de pouvoir partir. Quatre valises sont enregistrées aux noms de ces absents. Il faut les retrouver et les extraire des soutes. Personne n'ose parler de terrorisme ou d'attentat. Les bagages litigieux sont enfin emportés et les autres réintroduits dans les soutes. René commence à râler, mais sans exagération ni ostentations manifestes. On est drillé à tout et près à tout subir dans notre petit pays.

14h10 : Décollage. Le retard, on soupçonne que cela va apporter quelques inconvénients à l'arrivée mais ni Georgette ni René n'en parlent.

Quatre heures de vol. Une heure de décalage horaire à décompter. Ils arriveront attend pour le dîner du soir.

Dans l'avion, le voisin de siège de René est un monsieur de son âge. La conversation est facilitée. Souvent ce sont des Belges d'expression flamande et René a une lacune à ce sujet. Son voisin francophone raconte à René qu'il vit depuis trois ans à Gran Canaria et qu'il retourne régulièrement en Belgique pour voir la famille.

Surpris que l'on puisse vivre sur une petite île aussi longtemps.

René n'en dit rien mais n'en pense pas moins.

Champagne et repas chaud sont servis. Le "Todo inclusivo VIPO" commence à bord. Georgette lit et René rêvasse pendant les quatre heures de voyage.

Par le hublot, on aperçoit le Teide sur l'île de Ténérife. 

De cette autre île des Canaries, on en a fait tellement parler d'elle à cause des incendies cet été. 

La suspicion des risques dus au retard de l'avion se confirme à la sortie de l'aéroport.

Le taxi qui devait les emporter, n'a pas attendu. A l'endroit où on l'indique, il n'est plus là.

Heureusement, une hôtesse réceptionniste des voyageurs prend la décision de les emmener jusqu'à l'hôtel. "Ouf, on est sauvé", se dit René. Quarante kilomètres de Las Palmas jusqu'à l'hôtel...

Arrivé à l'hôtel, la réceptionniste ne fait aucun commentaire au sujet du retard et donne les renseignements des horaires de repas en indiquant le numéro 2082 de leur chambre au 2ème étage. Roulements des bagages s'en suivent.

Arrivé dans la chambre, c'est la surprise pourtant prévisible : la chambre est double avec un sofa. Un petit salon avec une télé et un sofa et une grande chambre avec le grand lit et ... une télé du même gabarit. Le top, quoi...

10 septembre à 08h00, Réveil.

- Tu ne m'as, à nouveau, pas laissé dormir. Trop fatigué, tu as ronflé toute la nuit, dit Georgette.

Capture d'écran 2023-09-16 101753.pngRené n'aime pas trop ce genre de rappel à l'ordre.

- Je vais demander d'ouvrir le sofa du salon en lit. Comme cela, plus de problème. Je ne veux pas t'empêcher de dormir, répond-il.

A l'extérieur, c'est "sol y sombra" en alternatif avec le soleil qui joue à cache-cache avec les nuages.

Les 22°C avant le lever du soleil se transforment très vite en 28°C dans la journée. "Vamos a la playa".

Une attraction différente pour finir la journée. 

Le soir suivant, chacun se retire dans "ses appartements" dans son lieu de repos pour trouver la belle étoile de ses rêves. 

11 septembre 07h30 : René part faire son tour quotidien pendant que Georgette prend son temps de préparation à la journée.

Rentré à 09h15. Douche et descente pour le déjeuner avant 10 heures.

Le jogging et les promenades dans la ville et les dunes vont se suivre.

Pas question de jogger dans dunes. Ce serait peine perdue.

Il faut prêt d'une demi-heure pour atteindre l'océan au travers des dunes qui alternent de raides montées et de descentes de plus de 10 à 15 mètres de profondeur. Au fond d'un trou, entouré de sable, avec le ciel bleu, donne une impression d'être seul au monde et cela plait à René.

Mardi, au retour d'une promenade jusqu'au phare. Derrière René, un suiveur qui le rattrape. Une conversation s'engage. C'est un jeune Mexicain d'une quarantaine d'années. Le "nice to meet you" semble vraiment partagé au moment de se quitter sur des chemins différents. 

Jeudi, la même rencontre se reproduit mais de face avec les sourires aux lèvres comme carte de visite supplémentaire.

Capture d'écran 2023-09-25 133337.pngA la piscine, les très divers tatouages donnent des idées à René pour une nouvelle toile. Il faut dire qu'il a du choix. Cela va des fleurs et des affaires de cœurs à des images surréalistes de la tête aux pieds. Enfin, dans le cou mais pas encore sur les cranes dégarnis. Parmi les clients de l'hôtel, un couple de transes présente toutes les couleurs excentriques de vêtements avec des perruques assorties.  

Les nationalités y sont diverses. Les sexes ne sont pas toujours ce que l'on pense au premier abord. Décrescendo, des Allemands, des Anglais, des Espagnols, quelques Français, des Belges oui, mais flamands.

Des Alsaciens francophones rencontrés n'ont aucune difficulté pour permuter du français à l'allemand.

L'anglais sauve les meubles en interface des différences langues.

Un couple de Munichois devient les préférés du couple Magritte. Il faut dire que c'est une dame qui a la bosse des maths.

- J'ai remarqué que les carrosseries des autos sont oxydées et s'érodent. N'est-ce pas la Gran Canaria, le meilleur endroit pour utiliser des voitures électriques ? Il y a du soleil toute l'année pour les capteurs solaires, du vent pour faire tourner les éoliennes à pleine vitesse et les dimensions de l'ile correspondantes à leur autonomie pour ce genre de véhicule ? Suis-je surréaliste avec cette constatation ? demande René.

- Non, mais c'est probablement le prix élevé qui retient les usagers, répond la Munichoise.   

René n'insiste pas en pensant aux Mercedes et BMW qui auraient pu être électriques...

Les journées se suivent et se ressemblent.

Le lever de soleil est magnifique à 07h43 exactement. Tous différents en jouant avec les nuages. Le petit point rouge au-dessus de l'eau s'agrandit seconde par seconde pour devenir une boule de feu.

René prend des photos de chacun des levers de soleil.  

Un jour à la réception, une anecdote surprenante.

Une dame tente d'expliquer qu'elle veut annuler son retour à Bruxelles.

Elle désire ne plus partir de Gran Canaria.

L'hôtesse de voyage est appelée. 

René et Georgette continuent à écouter la conversation et la tirade de cette dame avec l'hôtesse qui lui exprime la perte de son billet d'avion si elle refuse de partir.

- Si je retourne à Bruxelles, je vais me retrouver dans les problèmes. Les opportunistes viendront frapper à ma porte dans le but de me demander de l'argent, d'exiger ma collaboration pour financier un milliard de projets, à me proposer des opérations les plus diverses qui vont me déranger de toutes les façons et sous toutes les formes. La tranquillité qui règne ici, le soleil tous jours avec un climat doux, la sympathie des gens qui disent "gracias' quand ils donnent quelque chose, cela reste une manière d'être incomparable. Des touristes différents à rencontrer. J'aime le changement. Ici, il y a tout à disposition mais parfois à plus longue distance que dans une grande ville. On ne me manipulera plus. Si j'ai envie, je retournerai voir la famille s'il en reste.

Les réflexions de cette dame ébranlent l'esprit du couple Magritte.

Ils n'interviennent pas.

Cette situation rappelle à Georgette et René, le cas du voisin dans l'avion que René avait qualifiée comme une idée farfelue.

Aujourd'hui, les peintures surréalistes de René valent et rapportent de l'or en barre.

Il pourrait désirer la même chose et rester à Gran Canaria avec Georgette.

"Pourquoi quitterais-je la maison à Bruxelles ?

L'éventualité de se fixer au soleil de l'île n'avait jamais effleuré l'esprit de René. En vacances, pendant un laps temps court, je peux l'assumer", pense-t-il en secret.

Ses habitudes et ses routines en vieux réfractaires conservateurs l'empêcheraient à faire ce voyage alternatif Bruxelles-Las Palmas et Las Palmas-Bruxelles.

Deux jours avant le retour, René retourne dans les dunes et fait des efforts pour monter jusqu'à l'un des sommets avant de redescendre en vitesse. Le sable est tellement fin que la montée ne progresse que centimètre par centimètre. Ce n'est pas du sable mouvant mais cela peut y ressembler

C'est alors que René ressent une douleur dans les muscles de son mollet gauche.

Il commence à marcher sur le terrain plat sur les pointes de ses orteils pour ne pas articuler le mouvement du pied en opposition avec le mollet.

Le mal est insidieux. Il suffit de marcher pour qu'il disparaisse temporairement avant que la douleur reparte de plus belle.

René se dit qu'avec quelques massages, cela devrait disparaitre. Il se trompe. La pomade Voltaren va résoudre cela en prenant du temps dans son efficacité.

Le départ est arrivé plus vite qu'il n'est arrivé. Il ne compte plus les opérations trop connues. Le décollage et tous les autres artifices. Les Magritte sont déjà en vol.

Pendant que Georgette et René sont assis près d'un hublot de l'avion, Georgette dit à l'oreille de René

- As-tu été content de revenir à Gran Canaria ?

- Allusion nous a fait revenir pour effectuer un voyage dans l'espace et dans le temps. J'ai une question pour toi. A-t-il eu raison de nous le faire connaître ?

Georgette qui a organisé ce voyage, réfléchit longuement pour retrouver la réponse la plus adéquate.

- Ce 21ème siècle a des avantages indéniables. Notre époque a connu deux guerres sanglantes. La guerre entre l'Ukraine et la Russie nous fait revivre cette crainte du lendemain mais avec plus d'ardeur. J'ai eu tout comme toi des doutes pour pouvoir suivre ce rythme de vie dans laquelle les ordinateurs ne nous laissent pas en paix, les smartphones, les interruptions dues aux SMS m'ont mis en colère. Les gens ne se parlent plus. Capture d'écran 2023-09-24 153851.pngIls communiquent par des interfaces électroniques sans plus se connaître via des réseaux dits sociaux. Que peut-on encore faire et penser sans Internet ? L'intelligence naturelle est dépassée par l'artificiel de la virtualité. C'est un sujet de réflexion prémonitoire que tu as dû avoir en peignant chez nous sans avoir connu ce 21ème siècle. Un dédoublement de la personnalité entre être et paraître est devenu évident. J'ignore si c'est superficiel ou une obligation pour exister. Je remercie Allusion de nous avoir fait revivre et d'avoir montré où nous vivons et comment nous avons vécu dans "Nom d'une pipe".

Capture d'écran 2023-09-26 122737.pngLes "usuals suspects" sont différents mais existent toujours dans la virtualité des réseaux de dirigeants.

Georgette a à peine dit sa dernière phrase que l'avion subit un choc. Un ralentissement de l'avion s'en suit. Elle regarde par le hublot. Ce qu'elle voit, est magique. Les réacteurs de l'avion ont été transformées en hélices qui tournent à plein régime. L'avion est resté sur sa ligne de conduite mais il a l'air de faire du surplace. René n'a pas relevé la baisse significative de vitesse tombée de moitié. 

- Donc, tu veux retourner au 20ème siècle qui a été pourtant très dangereux. Back to the past ?, lui demande René.  

Capture d'écran 2023-09-24 155814.png- Tous les maux font du bien quand ils s'arrêtent et nous avons connus quelques belles années pendant lesquelles tout semblait possible. Aujourd'hui, alors que tout est possible, on n'y pense plus. On dénigre les progrès, les chances ou les malchances que nous avons eu avec entrain. Dans une vie, tout commence tout en bas. On grimpe pour atteindre l'invincible étoile comme le chante Jacques Brel dans la pure imagination que tu aimes bien. L'imaginaire est du parcours pour connaître la plénitude de tes moyens. Ensuite, commence la descente, lentement d'abord, puis, inexorablement, de plus en plus vite jusqu'à finir à nouveau tout en bas comme la courbure d'une bouche qui a un rictus avec une triste figure bien pâle. Le vrai sens de la vie réside dans l'héritage de tes toiles que tu laisses derrière toi, répond Georgette avec lyrisme.

- Je suis sûr qu'après moi viendra un autre peintre encore plus surréaliste. Il peindra avec plus de beauté en couleurs surréalistes, la vérité réelle qui disparait de proche en proche dans la virtualité, répond René, étonné.  

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 FIN

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